Afghanistan: Reprise des évacuations à Kaboul, Biden défend le retrait US
Les vols militaires d’évacuation de diplomates et de civils hors d’Afghanistan ont repris mardi à l’aéroport de Kaboul tandis que les capitales occidentales multipliaient les échanges pour tenter d’anticiper les conséquences de la reconquête du pays par les taliban.
La piste et le tarmac de l’aéroport, qui avaient été envahis la veille par des milliers de personnes en quête d’un moyen de fuir le pays après la prise de contrôle de la capitale dimanche par les insurgés taliban, sont désormais praticables et au moins 12 vols militaires ont décollé au cours de la matinée à Kaboul, selon un diplomate présent sur place.
L’armée française a notamment procédé à un premier vol d’évacuation grâce au « pont aérien » mis en place entre l’aéroport de Kaboul et sa base aérienne 104 d’Al Dhafra, à Abu Dhabi (Emirats arabes unis), a annoncé lundi matin sur RTL la ministre des Armées, Florence Parly.
De premiers évacués sont attendus en France dans l’après-midi, a-t-on appris auprès d’un responsable du ministère des Armées.
Alors que l’aéroport de Kaboul et le contrôle aérien sont supervisés par les forces américaines, le secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, s’est entretenu lundi avec ses homologues britannique et turc, ainsi qu’avec les représentants de l’Union européenne et de l’Otan.
En dépit des scènes de chaos qui ont eu lieu lundi à l’aéroport, le président américain Joe Biden a fermement défendu lundi soir sa décision de procéder au retrait définitif de l’armée américaine d’Afghanistan, qui doit s’achever à la fin du mois.
LES APPELS À LA COOPÉRATION SE MULTIPLIENT
Durant une allocution télévisée, il a rappelé que l’intervention militaire américaine en Afghanistan, lancée après les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, n’avait jamais eu pour objectif de reconstruire le pays mais visait à empêcher des attaques terroristes sur le sol américain.
Il a également reproché aux dirigeants afghans et aux forces de sécurité afghanes d’avoir abdiqué face aux taliban.
Le président français, Emmanuel Macron, qui a pris la parole quelques heures avant son homologue américain, a quant à lui plaidé pour une coopération sécuritaire « efficace » entre l’Europe, les Etats-Unis et la Russie, afin d’éviter que l’Afghanistan ne redevienne « le sanctuaire du terrorisme qu’il a été ».
Il a également prôné une coordination des grandes puissances sur la question des migrants.
Des échanges ont déjà eu lieu lundi et se sont poursuivis mardi entre Paris, Berlin et Londres.
Le chef de l’Etat français et le Premier ministre britannique, Boris Johnson, ont évoqué un potentiel projet de résolution commune au Conseil de sécurité des Nations unies.
Les services de Boris Johnson ont également fait savoir mardi qu’il comptait organiser le plus rapidement possible une visioconférence des dirigeants du Groupe de Sept (G7), dont la Grande-Bretagne assure la présidence tournante cette année.
DES MILLIERS D’AFGHANS MENACÉS SELON LE HCR
Deux jours après que le président du gouvernement afghan soutenu par les Etats-Unis, Ashraf Ghani, a quitté le pays dimanche lors de la chute de Kaboul, d’anciens dirigeants afghans seraient en route pour Doha pour rencontrer la délégation des taliban présente sur place.
La capitale qatarie accueille depuis septembre 2020 des cycles de pourparlers de paix entre représentants des taliban et du gouvernement afghan soutenu par les Etats-Unis.
Selon des propos rapportés par la chaîne de télévision panarabe basée au Qatar Al Djazira, le chef de file du parti islamiste afghan Hezb-e-Islami (Parti de l’Islam), Gulbuddin Hekmatyar, a annoncé se rendre à Doha pour rencontrer des taliban.
Toujours selon Al Djazira, il a précisé être accompagné de l’ancien président afghan Hamid Karzai ainsi que d’un ancien vice-président, Abdullah Abdullah, qui dirige désormais le Haut Conseil afghan pour la réconciliation nationale et pilote les négociations à Doha.
Ancien chef de guerre, Gulbuddin Hekmatyar, qui a été de tous les conflits depuis près de quarante ans en Afghanistan, fut l’allié des taliban et d’Al Qaïda. Il s’est vu accorder une amnistie par le gouvernement d’Ashraf Ghani en 2016 après la signature d’un accord de paix.
Même si les taliban ont tenté de présenter une image plus modérée que lorsqu’ils étaient au pouvoir dans le pays de 1996 à 2001, promettant notamment de respecter les droits des femmes et de protéger les civils, de nombreux Afghans restent sceptiques et anticipent des rafles dans les milieux activistes et politiques.
Le Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme a ainsi fait savoir mardi qu’il craignait pour la sécurité de milliers d’Afghans ayant oeuvré en faveur des droits de l’homme à travers le pays.
(Reportage des bureaux de Kaboul, de Washington, de Paris et de Genève, rédigé par Jane Wardell et Robert Birsel ; version française Myriam Rivet et Marc Angrand)