Zelensky reproche à Trump d’être mal informé, ce dernier le qualifie de « dictateur »
WASHINGTON/KYIV (Reuters) – Le président américain Donald Trump a décrit mercredi Volodimir Zelensky comme un « dictateur sans élections », prévenant son homologue ukrainien qu’il devait agir vite pour sceller un accord de paix sous peine de ne plus avoir de pays, après que Zelensky a reproché à Trump d’être mal informé sur l’Ukraine.
Ces commentaires mettent en exergue des tensions entre les deux dirigeants, au lendemain de la tenue en Arabie saoudite d’une réunion entre Washington et Moscou à laquelle Kyiv n’était pas convié, à l’approche du troisième anniversaire de la guerre entre la Russie et l’Ukraine.
« Un dictateur sans élections, Zelensky a intérêt à agir vite, sinon il ne lui restera plus de pays », a déclaré Donald Trump via son réseau social Truth. « En attendant, nous négocions avec succès la fin de la guerre avec la Russie », a-t-il ajouté, disant être le « seul » avec son administration à pouvoir y parvenir.
Réagissant à ces commentaires du président américain, le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Andreï Sybiha, a déclaré que personne ne pouvait contraindre son pays à céder. « Nous défendrons notre droit à exister », a-t-il écrit sur le réseau social X.
A Berlin, le chancelier allemand Olaf Scholz a déclaré qu’il était « erroné et dangereux » de qualifier Volodimir Zelensky de dictateur, selon des propos rapportés par le journal Der Spiegel.
Volodimir Zelensky s’est entretenu plus tôt dans la journée à Kyiv avec l’émissaire spécial américain pour l’Ukraine, Keith Kellogg. Le dirigeant ukrainien a dit à cette occasion qu’il souhaitait que l’administration Trump dispose de davantage d’informations réelles, reprochant au dirigeant américain de reprendre des éléments de désinformation russe.
« Nous avons la preuve que ces données sont discutées entre l’Amérique et la Russie », a-t-il déclaré à propos de commentaires de Donald Trump selon lesquels sa cote de popularité en Ukraine est de 4% – un élément de propagande russe, affirme Kyiv.
« ESPACE DE DÉSINFORMATION »
« Le président Trump (…) vit malheureusement dans un espace de désinformation », a ajouté le président ukrainien sur la télévision publique, réitérant que toute tentative pour le chasser du pouvoir échouerait.
Volodimir Zelensky a déclaré par la suite dans une allocution vidéo quotidienne qu’il comptait sur l' »unité ukrainienne (…) l’unité de l’Europe et le pragmatisme de l’Amérique », ajoutant vouloir des échanges « constructifs » avec Washington.
Selon le dernier sondage de l’Institut international de sociologie de Kyiv, réalisé début février, 57% des Ukrainiens font confiance à Volodimir Zelensky.
Donald Trump avait dénoncé mardi l’absence de nouvelles élections en Ukraine et reproché également à Kyiv d’avoir « commencé » la guerre et de ne pas avoir conclu d’accord. Le Kremlin a cité par le passé le manque de légitimité de Volodimir Zelensky pour justifier l’absence de négociations bilatérales.
Organiser un scrutin impliquerait de lever la loi martiale en vigueur en Ukraine pour répondre à l’offensive lancée par la Russie en février 2022. Kyiv et ses alliés dénoncent comme une invasion ce que Moscou a présenté comme une « opération militaire spéciale ».
Revenu au pouvoir le 20 janvier, Donald Trump a opéré un revirement majeur dans la politique de Washington à l’égard du conflit en Ukraine, renouant le contact avec Moscou alors que son prédécesseur Joe Biden avait décidé avec ses alliés occidentaux de sanctions contre la Russie pour l’isoler et limiter ses capacités à livrer une guerre, fournissant également des milliards de dollars d’aides à Kyiv pour se défendre.
Donald Trump s’est entretenu la semaine dernière avec Vladimir Poutine, avec lequel il est convenu d’ouvrir des négociations destinées à mettre fin au conflit entre la Russie et l’Ukraine. Le président américain a redit mardi qu’il allait probablement rencontrer sous peu son homologue russe et a exprimé par ailleurs son souhait que la Russie réintègre le G7.
PRÉOCCUPATIONS EUROPÉENNES
A Moscou, Vladimir Poutine a déclaré mercredi que préparer un sommet avec le chef de la Maison blanche prendrait du temps, ajoutant qu’il n’était pas nécessaire de se rencontrer simplement pour boire un thé.
Le président russe a également dit que l’Ukraine ne serait pas écarté de négociations de paix mais que le succès d’un tel processus dépendait du niveau de confiance entre Moscou et Washington.
La plupart des dirigeants occidentaux, dont Joe Biden, se sont gardés de tout contact avec Vladimir Poutine à la suite de l’offensive lancée en Ukraine le 24 février 2022.
Des représentants de haut rang américains et russes se sont rencontrés mardi en Arabie saoudite. Washington a présenté la réunion comme un premier contact en vue de mettre fin à la guerre entre la Russie et l’Ukraine, qui n’a pas été convié, tandis que Moscou avait indiqué que les relations russo-américaines dans leur ensemble seraient discutées.
En marge des discussions de Ryad, le président français Emmanuel Macron a convié lundi des dirigeants européens pour une réunion d’urgence informelle sur l’Ukraine et la sécurité. Une deuxième réunion s’est tenue mercredi, à nouveau à l’initiative de Paris, avec d’autres alliés européens et le Canada.
Via le réseau social X, Emmanuel Macron a redit mercredi soir que la position de la France et de ses partenaires était « claire et unie ». « Nous souhaitons une paix en Ukraine qui soit durable et solide », a-t-il dit.
Les Européens s’inquiètent d’un accord aux dépens de Kyiv et du continent, voyant des concessions importantes faites d’emblée par Washington à Moscou, notamment s’agissant de la non-adhésion de l’Ukraine à l’Otan.
Ils ont appelé lundi à augmenter les dépenses de défense du continent, sans réussir à s’accorder sur l’hypothèse d’un envoi de troupes de maintien de la paix en Ukraine, comme évoqué notamment par la France et la Grande-Bretagne.
(Doina Chiacu à Washington, Olena Harmash, Tom Balmforth, Anastasiia Malenko, Max Hunder et Yuliia Dysa à Kyiv, Marina Bobrova et Maxim Rodionov à Moscou; rédigé par Jean Terzian)
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