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En Seine-Saint-Denis, les JO aggravent le logement précaire pour les migrants et les Roms

par Layli Foroudi

Quand les évangéliques sont attaqués, calomniés ou traités avec mépris par les médias traditionnels, un silence de notre part ne serait pas chrétien. Une telle attitude montrerait un renoncement suspect à se faire respecter et à exiger des médias mondains un tel respect. Ensemble, faisons du Journal Chrétien un contre-pouvoir d'influence.

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PARIS (Reuters) – Camelia Toldea a préparé sa valise au cas où sa famille devrait quitter précipitamment le bâtiment à l’abandon qu’elle occupe avec des dizaines d’autres Roms à proximité d’un des futurs sites des Jeux olympiques de Paris 2024.

Née en Roumanie, Camelia Toldea vit depuis quelques mois avec son mari et leurs trois enfants dans ce squat en Seine-Saint-Denis, qui accueillera de nombreuses épreuves des JO, ainsi que le village olympique.

Département le plus pauvre de France, la Seine-Saint-Denis héberge de nombreux migrants, demandeurs d’asile et Roms, et certains responsables politiques et ONG estiment que les aménagements en prévision des Jeux vont aggraver la crise du logement.

Plus de la moitié des infrastructures construites ou rénovées pour les Jeux se trouvent dans le département, qui est aussi celui qui concentre le plus grand nombre de squats et de bidonvilles en France, selon un rapport officiel publié en 2021.

Au moins 60 squats ont été fermés par les autorités depuis le début de l’année en Seine-Saint-Denis, selon un décompte effectué par Reuters sur la base de documents administratifs, décisions de justice et entretiens avec une cinquantaine de squatteurs, avocats, procureurs, travailleurs sociaux et responsables politiques locaux. Certains y voient une volonté d’embellir le secteur en prévision des Jeux.

La préfecture de Seine-Saint-Denis a dit à Reuters que les évictions n’étaient pas liées à l’évènement sportif mondial, mais le résultat de procédures légales ordinaires. Ces démarches ont été accélérées par l’adoption en juillet dernier d’une loi qui impose aussi des amendes et des peines de prison plus lourdes aux squatteurs.

Selon les chiffres de la préfecture, un peu moins de 80 squats avaient été fermés l’an dernier. Le total de 60 auquel Reuters est parvenu pour cette année est sûrement sous-estimé, ont déclaré des travailleurs sociaux. La préfecture a refusé de fournir des données officielles sur les fermetures de squats entre 2018 et 2023.

Les évictions plongent de plus en plus de personnes dans la précarité, souligne Valérie Puvilland, directrice des opérations d’Interlogement 93, l’association qui gère les hébergements d’urgence en Seine-Saint-Denis, le gouvernement ayant selon elle supprimé un millier de places dans les centres d’hébergement d’urgence du département, soit une baisse d’environ 10%.

Certains expulsés ont terminé dans la rue, en Seine-Saint-Denis ou ailleurs en région parisienne, tandis que d’autres ont été envoyés dans d’autres régions françaises, selon des avocats et des squatteurs.

« On a un événement des Jeux Olympiques qui arrive et qui met une pression supplémentaire parce qu’il y a moins d’hôtels qui font du social, parce qu’il y a moins de lieux qu’on peut occuper temporairement en attendant des travaux, (…) etc », a déclaré à Reuters Léa Filoche, adjointe à la maire de Paris en charge des solidarités, de l’hébergement d’urgence et de la protection des réfugiés, de la lutte contre les inégalités et contre l’exclusion.

Selon elle, certains hôtels ont cessé d’acceuillir des personnes en difficulté afin d’être en mesure d’accueillir des visiteurs au moment des Jeux. Reuters n’a pas pu vérifier de manière indépendante combien d’hôtels seraient concernés par cette mesure.

DES SQUATS À LA RUE

Sur les 32 squats fermés en 2023 dont Reuters a pu confirmer la localisation, 13 étaient situés à moins de deux kilomètres des principaux sites olympiques en Seine-Saint-Denis.

L’un d’eux, une ancienne cimenterie proche du futur Village olympique, où vivaient 400 migrants originaires pour la plupart du Soudan et du Tchad, a été fermé en avril, a constaté Reuters. Un bidonville hébergeant quelque 700 Roms a aussi été démantelé à Tremblay-en-France, près de l’Arena Paris Nord, où se dérouleront notamment des compétitions de boxe, selon deux témoins.

Ces évictions ont conduit à une augmentation du nombre de personnes vivant dans la rue, faute de logement sociaux disponibles, déplore Valérie Puvilland.

Léa Filoche estime pour sa part qu’il n’y a jamais eu autant de sans abris à Paris, y compris des mineurs.

« Si l’objectif (de l’Etat), c’est d’avoir des JO où on ne voit pas trop la misère, c’est sûr que le plan d’expulser les squats, ce n’est pas du tout le bon plan… C’est con, ce qu’on est en train de faire, parce que du coup, on expulse des gens de squats et on les remet dans l’espace public », dit-elle, appelant le gouvernement à réquisitionner des bâtiments inoccupés, comme d’anciens hôpitaux ou immeubles de bureaux, pour héberger les sans abris.

Illustrant le déficit de places d’hébergement d’urgence dans ce département qui compte 1,6 million d’habitants, Interlogement 93 a dit avoir refusé le 13 décembre 655 demandes de personnes vivant dans la rue, dont 54 femmes enceintes.

Selon les chiffres de l’association, il y a eu certains jours ce mois-ci près de deux fois plus de demandes laissées sans réponse que l’an dernier.

La maire de Paris, Anne Hidalgo, a prévenu le mois dernier que la capitale ne serait « pas prête » à héberger tous les sans abris d’ici aux Jeux olympiques. Le gouvernement n’a pas répondu aux sollicitations de Reuters à ce sujet.

L’entrepôt dans lequel vit la famille Toldea et 70 autres Roms est situé à l’Île-Saint-Denis, à 2 km environ du futur Village des athlètes.

Les Toldea ont été expulsés d’un autre squat au mois de mai, et avant cela d’un hôtel désaffecté dans lequel ils s’étaient installés pendant quelques jours. Ils craignent d’être à nouveau jetés à la rue, la mairie ayant délivré un ordre d’expulsion le mois dernier.

Victor Drot, directeur de cabinet du maire de l’Île-Saint-Denis, a dit à Reuters que la fermeture du squat avait été décidée après un incendie dans l’entrepôt. Il a reconnu que faute de logements sociaux disponibles, il n’y a « pas de solution à l’échelle de cette ville pour loger les gens ».

« DÉSENGORGER » PARIS

Les Toldea ont déposé une demande de logement social il y a deux ans mais il y a en moyenne huit ans d’attente, a précisé Victor Drot.

« On n’a nulle part où aller », s’inquiète Camelia Toldea, qui s’exprime en roumain. « Les enfants vont à l’école ici, on connaît le secteur », ajoute la mère de famille de 31 ans, qui dit vivre de la vente d’objets récupérés sur le marché aux puces de Clignancourt.

Reuters a interviewé 19 migrants expulsés de quatre squats différents entre les mois d’avril et d’août aux abords de sites olympiques ou de projets de développement urbains en Seine-Saint-Denis.

Deux d’entre eux ont été relogés de manière stable par la préfecture, mais les autres ont dû se débrouiller pour trouver un nouveau squat. Selon Interlogement 93, la plupart des places d’hébergement d’urgence ne sont disponibles que pour quelques jours.

Le gouvernement français, la préfecture de police de Paris et la préfecture de Seine-Saint-Denis n’ont pas répondu aux questions de Reuters sur les expulsions de squats et de bidonvilles, ni sur l’assistance fournie aux sans abris.

Plusieurs personnes se sont vues proposer un hébergement dans une autre région, alors que le gouvernement cherche à « désengorger » la banlieue parisienne dont les centres d’accueil sont saturés.

Au mois de mai, le désormais ex-ministre du logement Olivier Klein avait justifié cette démarche par le fait que certains hôtels avaient résilié leurs contrats d’hébergement social pour pouvoir accueillir des touristes pendant les Jeux.

Reuters a interviewé quatre personnes qui ont accepté d’aller à Bordeaux, Toulouse et Strasbourg après avoir été expulsés d’un squat, mais sont ensuite revenues en région parisienne faute de ressources sur place, ou leurs affectations ont pris fin.

Selon la préfecture de Paris, 3.329 personnes avaient été temporairement relogées en province à la mi-décembre.

Le gouvernement a élaboré un plan « zéro délinquance » pendant les Jeux olympiques, qui prévoit aussi le démantèlement de squats, selon un rapport parlementaire et trois responsables locaux.

« Il ne faut pas que les gens voient des taudis, des bidonvilles. Avec les JO, on vend l’image de la France a l’étranger », a déclaré à Reuters Sébastien Piffeteau, procureur adjoint au Tribunal judiciaire de Bobigny chargé des affaires liées aux Jeux.

Le ministère de l’Intérieur n’a pas voulu donner à Reuters de précisions sur le contenu de ce plan, malgré une décision en ce sens de la commission d’accès aux documents administratifs.

Les objectifs généraux du plan figurent sur le site de la préfecture de police de Paris mais peu de détails ont été rendus publics.

HIÉRARCHIE DE LA MISÈRE

Le procureur de Bobigny, Eric Mathais, a déclaré à Reuters que les récentes évacuations de squats avaient été facilitées par une loi adoptée l’été dernier par le Parlement français, qui criminalise l’occupation illégale des propriétés industrielles, commerciales et privées.

Les données de la ville de Paris montrent que les campements établis par des SDF ont aussi été la cible d’opérations plus fréquentes – 35 depuis le début de l’année contre 19 en 2022.

Léa Filoche dit avoir constaté une croissance spectaculaire du nombre de sans abris aux abords de la mairie, et que tous les services leur venant en aide – banques alimentaires douches publiques, centres d’accueil, etc – sont « dans le rouge ».

Selon un document consulté par Reuters, la préfecture de Seine-Saint-Denis a donné pour instruction à Interlogement 93 de ne fournir de logement d’urgence cette année qu’aux personnes vulnérables, comme les femmes enceintes, les handicapés ou les victimes de violence domestique.

L’association n’est même pas en mesure de répondre aux besoins de toutes ces personnes, dit Valérie Puvilland.

Pour le directeur de l’agence Île-de-France de la Fondation Abbé Pierre, Eric Constantin, le manque d’investissements dans les logements sociaux a contraint l’Etat à se reposer sur les hôtels pour répondre aux besoins d’hébergement, accentuant la précarité.

« On a très peur. On sait que pendant les Jeux Olympiques, il y aura des millions de personnes (à héberger)… Et ce n’est pas dans le Village olympique qu’on va héberger tout le monde », souligne-t-il.

La loi sur l’immigration qui vient d’être adoptée par le Parlement aggravera encore les choses, en imposant cinq années de résidence aux ressortissants non membres de l’UE pour toucher des aides au logement.

A plus long terme, la SOLIDEO, l’établissement public chargé des infrastructures olympiques, assure que presque 3.000 logements seront créés sur le site du Village olympique, dont 17% de logements sociaux. Les associations locales jugent ce nombre très insuffisant.

Abdallah Ali, un réfugié soudanais qui travaille comme éboueur, fait partie des 400 personnes, dont 27 autres réfugiés et demandeurs d’asile, qui ont été expulsées en avril du site de l’ancienne cimenterie proche du Village olympique.

Les squatteurs avaient été conduits en bus jusqu’à un hôtel de la banlieue sud de Paris. Mais ils ont été informés une semaine plus tard qu’ils devaient en partir, sans autre forme d’explication, a-t-il dit à Reuters en montrant le sms qu’il avait reçu. Recontacté en septembre par Reuters, il avait dit dormir dans la rue.

Ni l’hôtel, ni la préfecture de Seine Saint-Denis n’ont répondu aux sollicitations de Reuters pour confirmer ce récit. Les documents qu’Abdallah Ali a présentés montrent qu’il attend une place en logement social depuis 2018.

« Ce n’est pas correct de jeter les gens à la rue comme ça », déplore-t-il. « On travaille en France, on a davantage de droit à avoir un endroit où vivre que les athlètes qui viendront en 2024. »

(Reportage de Layli Foroudi, Tangi Salaün pour la version française, édité par Blandine Hénault)

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