Japon: Le gouvernement et la BoJ s’inquiètent de la dépréciation du yen
par Tetsushi Kajimoto et Leika Kihara
TOKYO (Reuters) – Le gouvernement et la banque centrale du Japon se disent préoccupés par la dépréciation brutale du yen dans une rare déclaration commune publiée vendredi, alimentant les spéculations sur une possible intervention de Tokyo sur les marchés pour soutenir la devise tombée au plus bas depuis 20 ans.
Le haut fonctionnaire responsable des questions monétaires, Masato Kanda, a déclaré aux journalistes à l’issue d’une réunion avec son homologue de la Banque du Japon, que Tokyo « répondra avec souplesse en mettant toutes les options sur la table ».
Masato Kanda n’a pas voulu dire si les autorités pourraient négocier avec d’autres pays pour une action conjointe sur le marché des changes.
Le G7, dont le Japon fait partie, s’est engagé de longue date à laisser les marchés déterminer les taux de change, mais aussi à des consultations étroites en cas de mouvements excessifs et désordonnés qui pourraient nuire à la croissance.
« Nous avons constaté une forte baisse du yen et nous sommes préoccupés par les récents mouvements du marché des devises », ont déclaré le ministère des Finances, la Banque du Japon (BoJ) et l’agence des services financiers dans une déclaration commune à l’issue d’une rencontre de ses dirigeants.
Les responsables des trois institutions se réunissent occasionnellement, le plus souvent pour exprimer aux observateurs leur inquiétude face aux fortes variations du marché, mais il est rare qu’ils publient une déclaration commune mettant explicitement en garde sur les mouvements des devises.
La devise japonaise a pris jusqu’à 0,73% face au dollar après la déclaration, à 133,35, contre un plus bas la veille depuis 2002, à 134,55.
« Tokyo pourrait intervenir si le yen tombe sous 135 pour un dollar et entame une chute libre », a déclaré Atsushi Takeda, chef économiste à l’Institut de recherche économique Itochu.
« Mais Washington ne se joindra pas à nous, il s’agira donc d’une intervention en solo. Pour les Etats-Unis, il n’y a pas vraiment d’intérêt à se joindre à Tokyo », a-t-il ajouté.
Contrairement aux autres grandes banques centrales qui procède à un durcissement de leur politique monétaire face à l’inflation, la BoJ s’est engagée à maintenir des taux bas, rendant les actifs japonais moins attractifs pour les investisseurs et contribuant à la baisse du yen.
« Ce qui peut potentiellement ralentir le rythme de la dépréciation de la devise, c’est un changement de politique monétaire, mais pour l’instant, rien n’indique que la BoJ s’inquiète de l’inflation ou de l’impact de la faiblesse du yen sur celle-ci », a déclaré Moh Siong Sim, stratège chez Bank of Singapore.
« Il s’agit plutôt d’une intervention verbale et je ne suis pas sûr qu’elle se traduise par une action concrète et qu’elle ait un impact sur le yen », a-t-il ajouté.
Compte tenu de la forte dépendance de l’économie à l’égard des exportations, le Japon s’est historiquement efforcé d’endiguer les fortes hausses du yen et a adopté une approche non interventionniste sur les baisses de la devise.
(Reportage Tetsushi Kajimoto et Leika Kihara; avec Kantaro Komiya et Daniel Leussink; Laetitia Volga, édité par Sophie Louet)