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La Haute Ecole de théologie protestante vaudoise (HET-PRO) accusée de «radicalisation»

Dans une publication scientifique, le professeur honoraire de l’Université de Lausanne, Pierre Gisel, interpelle les autorités des Eglises réformées. Ceci dans la perspective d’une potentielle accréditation de la HET-PRO en tant que HES

La HET-PRO, Haute Ecole de théologie protestante sise à Saint-Légier (VD), est accusée d’être un «lieu de radicalisation» aux tendances «sectaires». Une affirmation consignée dans la revue scientifique ThéoRèmes par Pierre Gisel, professeur honoraire de théologie à l’Université de Lausanne et par ailleurs ancien membre de la Commission consultative en matière religieuse du Conseil d’Etat vaudois, chargée d’étudier la demande de reconnaissance d’intérêt public des Eglises évangéliques. Dans son article, il dénonce «l’approche confessante» de l’établissement, au détriment d’une pensée critique, notamment historique et sociétale, et son «rapport à la vérité» – «une vérité valant par elle-même et détachée du culturel de tous».

Alternative confessante

Héritière de l’Institut biblique et missionnaire Emmaüs fondé en 1925, la HETPRO – inaugurée en 2017 sous l’impulsion notamment de pasteurs réformés de tendance évangélique – fête à ce titre ses 100 ans d’existence ce 25 janvier. Déjà reconnue au niveau européen par l’European Council for Theological Education (ECTE), elle attend actuellement la décision de la Confédération quant à son accréditation institutionnelle en tant que haute école spécialisée (HES).

Une perspective qui incite Pierre Gisel à tirer la sonnette d’alarme: «Munis d’un titre universitaire reconnu, les diplômés de la HET-PRO pourraient prétendre au statut de pasteur dans les Eglises historiques, à condition de suivre la formation post-grade ad hoc.»

Pour Jean Decorvet, pasteur consacré dans l’Eglise réformée vaudoise (EERV) et recteur de la HET-PRO depuis sa création, les accusations formulées dans cet article ne sont pas fondées et sont «loin des réalités». Il rappelle que le but de cette école était de «proposer une formation visant à accompagner les étudiants dans la construction de leur identité professionnelle, et ce par l’acquisition et le développement de compétences. Si une dimension spirituelle est bien présente dans le cursus, elle ne néglige pas la dimension intellectuelle.»

Des propos confirmés par le pasteur Luc Badoux, membre du comité de direction de la HET-PRO: «Avoir une approche de croyant n’empêche pas une étude raisonnée des textes bibliques et des différentes traditions qui en découlent. Aller à la racine de la foi chrétienne ne veut pas dire qu’on se radicalise.» Lui-même pasteur à la paroisse de Corsier-Corseaux, un des quelques lieux de culte à tendance évangélique de l’EERV, il condamne un certain manque d’ouverture des milieux réformés et universitaires romands, que confirme à ses yeux la charge de Pierre Gisel: «Après un Bachelor obtenu à la HET-PRO, il est possible d’effectuer un master à l’Université de Strasbourg, tandis qu’aucun dialogue n’est possible avec les facultés suisses.»

Contactée, la sociologue et anthropologue Irene Becci, doyenne de la Faculté de théologie et de sciences des religions de l’Université de Lausanne (FTSR), se retient de commenter directement les critiques de Pierre Gisel sur la ligne de la HET-PRO, préférant s’en remettre à la «renommée mondiale» de l’expert. Cependant, elle émet des réserves quant à l’approche «professante et professionnalisante» de l’école, qu’elle juge «incompatible avec une méthodologie académique».

Compléter l’offre

Faut-il y voir une forme de concurrence entre ces deux types de formation, alors que les facultés de théologie classiques sont actuellement en mal d’étudiants et que la HET-PRO comptabilise une cinquantaine d’inscrits tous cursus confondus? «Absolument pas. Il est tout à fait compréhensible que des personnes préfèrent cette voie, plutôt que la visée scientifique de l’offre universitaire», répond la doyenne. De son côté, Jean Decorvet assure que la HET-PRO «n’est pas dans une logique de concurrence, mais plutôt de complémentarité».

A propos des craintes que formule Pierre Gisel quant à l’engagement des diplômés de la HET-PRO dans les Eglises historiques, Jean Decorvet informe «qu’un dialogue fondamental est déjà en cours avec l’EERV», dont il rencontre régulièrement une délégation. «Toutefois, parler de noyautage et d’agenda caché est un fantasme. Notre objectif est de former des personnes pour répondre aux besoins d’un protestantisme diversifié.»

De son côté, Vincent Guyaz, président du Conseil synodal de l’EERV (exécutif ), juge la véhémence de Pierre Gisel «inadéquate». Heureux des discussions autour des collaborations avec la HETPRO, il mentionne que son Eglise pourrait déjà employer d’anciens étudiants de l’Ecole évangélique «en tant que diacres ou animateurs d’église. Nous avons toutefois mis en place des compléments de formation au sein de notre Séminaire de culture théologique (SCT), afin de notamment nous assurer de leur acculturation avec la tradition réformée.»

Bientôt pasteurs?

Et qu’en est-il du pastorat dans les Eglises historiques, leur sera-t-il bientôt accessible? Vincent Guyaz relève que «cette question a été posée depuis longtemps lors des synodes de l’EERV, qui fait face à une pénurie de pasteurs, certes, mais reste divisée sur l’engagement de ces personnes».

Il rappelle toutefois que «tant que la HET-PRO ne délivrera pas de certifications académiques ou de titres jugés équivalents, il restera impossible de se contenter de cette formation pour devenir un ministre réformé». Et ajoute que même en cas d’accréditation académique, «il appartiendra en outre aux facultés de théologie romandes de se prononcer sur la compatibilité de ce master». «Dans son règlement ecclésiastique, l’Eglise vaudoise confie au Collège romand de théologie protestante le soin de reconnaître toute équivalence de formation en la matière», précise encore Simon Butticaz, vice-doyen de la FTSR et pasteur consacré dans l’EERV.

«Ce pré carré dont disposent les facultés devrait être repensé au regard des besoins professionnels du terrain en matière de pastorat», estime Jean Decorvet. Du côté universitaire, Irene Becci déclare que «si la HET-PRO devait devenir une haute école, les demandes d’équivalence seraient examinées au cas par cas». Sur ce sujet, le recteur de la HET-PRO se montre confiant mais aussi prudent: «Le Conseil suisse des hautes écoles, dont dépend le Conseil suisse d’accréditation, a validé notre admission à la procédure d’accréditation, première étape de notre reconnaissance en tant que haute école.»

Et d’ajouter que «des experts viendront sur place dans un mois pour en évaluer les standards. La décision finale devrait ensuite être prise à la fin de l’année 2025.»

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