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Les chrétiens d’Irak se souviennent des attaques de l’Etat islamique

Il y a dix ans, en 2014, le groupe terroriste Etat islamique (EI) menait un véritable génocide à l’encontre des minorités religieuses. Lors de l’invasion de la partie nord-est du pays, des milliers de chrétiens ont été tués et plusieurs autres ont été déplacés. Dans cet article, notre partenaire irakien William Warda se souvient de cette période sombre et nous parle de son engagement pour sauver les chrétiens.

Avant l’invasion américaine de 2003 en Irak, environ 50 000 chrétiens vivaient dans la ville de Mossoul. Entre 2008 et 2010, ce nombre s’est effondré, alors que les combattants d’Al-Qaida bombardaient des églises, des monastères et des maisons chrétiennes dans la deuxième ville d’Irak.

Pendant que les chrétiens fuyaient en nombre, le 10 juin 2014, les événements se sont encore accélérés : Mossoul est tombée aux mains des terroristes de l’État islamique (EI). Je ne m’y attendais pas. En effet, quelque 10 000 soldats gouvernementaux équipés des armes américaines de dernier cri étaient stationnés dans les environs de Mossoul.

William Warda et John Eibner avec des collaborateurs d’Hammurabi devant le monastère détruit de Sainte-Catherine à Mossoul en 2017, peu après la reprise de la ville par l’armée irakienne. csi

William Warda et John Eibner avec des collaborateurs d’Hammurabi devant le monastère détruit de Sainte-Catherine à Mossoul en 2017, peu après la reprise de la ville par l’armée irakienne. csi

Des avertissements ignorés

Des observateurs locaux m’avaient signalé trois mois auparavant que quelque 500 terroristes lourdement armés se trouvaient à 40 kilomètres à l’ouest de Mossoul. Avec un collègue yézidi, j’ai transmis cette information aux institutions gouvernementales, aux fonctionnaires des Nations unies et aux observateurs américains. Mon ami yézidi a averti l’adjoint au chef de la mission d’aide des Nations unies pour l’Irak : « Un massacre se prépare. Si quelque chose arrive, vous en porterez la responsabilité ! » Mais tous nos avertissements ont été balayés d’un revers de main.

Pascale et William Warda veulent rester en Irak. csi

Pascale et William Warda veulent rester en Irak. csi

Les habitants séduits

Au cours des trois premiers jours suivant l’invasion, les partisans de l’EI ont réussi à aveugler la population majoritairement sunnite de Mossoul en menant une campagne de propagande selon laquelle la milice terroriste avait pour mission de libérer des habitants de Mossoul de l’injustice et de la persécution dont ils étaient victimes de la part du gouvernement chiite dirigé par le président de l’époque, Nouri al-Maliki. Malheureusement, la majorité de la population de la ville est tombée dans le panneau de cette campagne habilement orchestrée.

Alors que je me trouvais chez moi au sud de Bagdad, j’ai reçu un téléphone d’un de nos observateurs locaux. Il m’informait que l’EI avait collé des déclarations sur les portes des mosquées et des lieux publics et qu’il diffusait des messages par haut-parleurs dans les rues : les chrétiens devaient quitter Mossoul dans les trois jours. Ceux qui resteraient étaient condamnés à se convertir à l’islam ou à mourir.

J’ai immédiatement pris rendez-vous avec le cardinal Louis Sako et je l’ai supplié de faire passer un message aux chrétiens de Mossoul pour leur enjoindre de se rendre au plus vite dans la plaine de Ninive, dans la région kurde irakienne, à Erbil ou Dohuk, ou même à Bagdad. Le cardinal a tiré la sonnette d’alarme. Malheureusement, malgré tous les avertissements, certains chrétiens sont restés à Mossoul. Ils ont été convertis de force à l’islam. Quant aux femmes, elles ont été capturées et violées.

L’horreur s’étend

L’EI poursuivait son expansion : j’avais analysé en détail les événements de Mossoul et j’en avais conclu que l’EI allait également envahir la plaine de Ninive toute proche et d’autres régions d’Irak, car son mot d’ordre était : « L’État islamique reste et s’étend. »

J’ai attiré l’attention des responsables religieux de Qaraqosh, autrefois la plus grande ville chrétienne d’Irak pour les prévenir des intentions de l’EI. Mais ils ont préféré croire les propos rassurants des responsables kurdes qui leur assuraient que les combattants kurdes les protégeraient de l’EI et qu’il n’y avait pas lieu de s’inquiéter. Quant à moi, j’étais mal à l’aise, je n’avais pas confiance.

Malheureusement, mes craintes se sont confirmées environ deux semaines plus tard, le 7 août 2014 : plusieurs villes de la plaine de Ninive sont tombées aux mains de l’EI. Après Qaraqosh, ce furent Bartella et Tel Kaif. À ce moment-là, je me trouvais dans la ville kurde de Sulaymaniya.

Je recevais des centaines de messages chaque jour de la part de mes amis désespérés qui habitaient cette région. Je leur ai vivement conseillé de se réfugier dans les petits villages de la région kurde irakienne aux alentours de la ville de Dohuk. Mes collaborateurs ont fait tout leur possible pour aider les chrétiens à fuir.

La persécution à Bagdad

La campagne de l’EI ne m’a pas épargné, pas plus que ma femme Pascale. La milice terroriste se rapprochait de plus en plus de Bagdad et nous vivions dans la crainte. De nombreux collaborateurs d’organisations internationales à Bagdad ont été évacués. On nous a également suggéré d’évacuer. Mais j’ai assuré que je resterais avec mon peuple, quoi qu’il arrive.

Nous avons l’habitude de la persécution religieuse. Nous avions une maison dans la plaine de Ninive qui a été pillée lors de l’invasion de l’EI. À Bagdad, nous avons changé quatre fois de lieu de résidence depuis 2003 pour des raisons de sécurité. Malgré tous ces malheurs, Dieu nous a toujours préservés du pire, nous et nos enfants.

En moins de vingt ans, le nombre de chrétiens vivant en Irak est passé d’un million et demi à environ 300 000 à cause des attaques qu’ils ont subies à Mossoul, dans la plaine de Ninive et dans d’autres régions d’Irak. Mais la terreur islamiste a également frappé d’autres minorités religieuses comme les yézidis, notamment en 2014. Les attaques de l’EI, les meurtres gratuits, les rapts, les viols et les massacres ont atteint les proportions d’un génocide. Environ 200 000 yézidis vivent toujours dans des camps de déplacés.

Une aide indispensable à la survie

Malgré toute cette misère, il y a aussi des raisons d’être reconnaissant. En collaboration avec CSI, nous avons pu soutenir plus de 20 000 familles déplacées (environ 80 000 personnes) après l’invasion de l’EI. La plupart d’entre elles s’étaient réfugiées dans la région kurde irakienne. Nous avons pu leur fournir des couvertures, des chauffages, des médicaments, des systèmes de filtration d’eau, de petits réfrigérateurs, des paniers alimentaires et des vêtements d’hiver pour les enfants, les femmes et les personnes âgées.

Je suis certain que sans cette aide, la détresse des déplacés aurait été encore plus terrible et qu’il y aurait eu au moins le double de morts. Le soutien de CSI a été un tournant et a aidé les gens à survivre pendant trois ans, jusqu’à ce que leur région soit libérée. Je vous remercie de tout cœur !

William Warda, fondateur d’Hammurabi (adapté par Reto Baliarda)

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