Paris suspend sa participation à une mission de l’Otan en Méditerranée
par John Irish
PARIS (Reuters) – La France a confirmé mercredi sa décision de suspendre temporairement sa participation aux opérations de surveillance de l’Otan en Méditerranée orientale, le temps d’obtenir des clarifications de l’Alliance, principalement sur le respect de l’embargo qui frappe les livraisons d’armes à la Libye.
« Nous avons quatre demandes extrêmement claires. La première, c’est que les alliés réaffirment solennellement leur attachement au respect de l’embargo », a dit une source au ministère des Armées.
La France réclame aussi que soit proscrite « l’utilisation des indicatifs Otan dans des opérations nationales », demande une « meilleure coordination entre l’UE et l’Otan » et appelle à un « mécanisme de déconfliction pour prévenir et empêcher ce genre d’incidents ».
La France a accusé la marine de la Turquie, membre comme elle de l’Otan, d’avoir un comportement « hostile et inacceptable » entravant les efforts de mise en oeuvre de l’embargo de l’Onu sur les armes à destination de la Libye.
Selon Paris, des bâtiments turcs ont « illuminé » à trois reprises « avec leurs radars de conduites de tirs » la frégate Courbet le 10 juin dernier en Méditerranée orientale.
Le bâtiment français tentait alors de vérifier, dans le cadre de la mission de surveillance de l’Otan, qu’un bateau turc naviguant transpondeur coupé et refusant de communiquer son port de destination ne transportait pas d’armes vers la Libye.
« En attendant d’avancer sur ces quatre demandes, nous avons décidé de retirer nos moyens de l’opération Sea Guardian », a ajouté cette source, soulignant qu’il ne paraissait pas opportun de « maintenir les moyens (…) avec des alliés qui ne respectent pas l’embargo ».
L’Alliance atlantique avait annoncé mi-juin l’ouverture d’une enquête sur ces accusations, démenties catégoriquement par la Turquie.
Selon l’ambassadeur de Turquie en France, qui a dévoilé dans la matinée la décision française de se retirer de la mission Sea Guardian, les conclusions de cette enquête ne corroborent pas les accusations françaises.
« Il semble que les experts de l’Otan n’arrivent pas à la même conclusion », a dit Ismaïl Hakki Musa, qui était entendu par la commission des Affaires étrangères et de la Défense du Sénat.
Dans son édition de mercredi, le quotidien L’Opinion fait également état du retrait provisoire de la France, ajoutant que Paris entend exprimer ainsi son mécontentement à l’égard de l’Alliance atlantique, jugée pas assez sévère avec la Turquie.
« RESPONSABILITÉ HISTORIQUE ET CRIMINELLE »
Les relations ne cessent de se dégrader entre la France et la Turquie sur fond de désaccord en Libye, où Ankara soutient diplomatiquement et militairement le gouvernement d’entente nationale de Fayez el Sarraj face à l’Armée nationale libyenne (ANL) du maréchal Khalifa Haftar, mais aussi sur les activités de forage et d’exploration gazière et pétrolière ou sur la question des missiles russes S-400 achetés par Ankara en dépit de son appartenance à l’Otan.
En déplacement en Allemagne lundi, Emmanuel Macron a déclaré que la Turquie ne respectait aucun des engagements militaires pris lors de la conférence de Berlin sur la Libye le 19 janvier dernier.
« Elle a accru sa présence militaire en Libye depuis et a massivement réimporté des combattants djihadistes depuis la Syrie », a-t-il ajouté, évoquant « une responsabilité historique et criminelle pour qui prétend être un membre de l’Otan ».
« Nous sommes à un moment d’indispensable clarification de la politique turque en Libye. Elle est pour nous inacceptable parce que c’est une menace pour l’Afrique (…) et c’est une menace pour l’Europe », a-t-il ajouté, se défendant parallèlement de soutenir le camp Haftar.
« Si en avril 2019 le maréchal Haftar a décidé d’une opération militaire, il l’a fait en total désaccord avec la France et vous aurez noté que la France ne lui a pas apporté d’aide militaire », a-t-il dit en faisant allusion à l’offensive lancée par l’ANL contre Tripoli, et repoussée par les forces du gouvernement d’entente nationale.
(version française Bertrand Boucey et Henri-Pierre André, édité par Blandine Hénault et Jean-Stéphane Brosse)
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