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Combattants de première ligne, le personnel des Ehpad brouillé avec le vaccin

par Caroline Pailliez

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BOULOGNE-BILLANCOURT (Hauts-de-Seine) (Reuters) – Marie-France Boudret, infirmière dans une unité de soin de longue durée (USLD) à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine) a assisté impuissante aux ravages du COVID-19. Elle se souvient de l’un de ses patients, qui est décédé en quelques minutes en cherchant sa respiration, les yeux exorbités.

Pourtant, lorsqu’on lui a proposé de se faire vacciner, elle a refusé. « J’ai préféré attendre un peu », dit-elle.

Seule la moitié du personnel des Ehpad se dit à ce jour prête se faire vacciner en France, selon le comité d’orientation pour la stratégie vaccinale. Ce chiffre a fortement augmenté dans les dernières semaines, passant de 20% fin décembre à 55% environ aujourd’hui, avec l’arrivée des vaccins sur le marché.

C’est néanmoins bien plus faible que le taux d’adhésion des résidents des Ehpad. Plus de 80% d’entre eux ont déjà reçu une première dose, selon le gouvernement.

Ce scepticisme interroge au regard du combat que ces professionnels ont mené contre cette maladie pour protéger les résidents, tout en payant eux-mêmes un lourd tribut. A cela s’ajoute la question de la proximité avec les résidents, des personnes à haut risque de développer des formes graves.

Selon la CGT, qui a réalisé un sondage informel dans les Hauts-de-Seine, les principales raisons de cette réticence sont la peur des effets secondaires, le manque de recul et le manque d’informations claires. Globalement, les témoignages traduisent un manque de confiance important dans le discours officiel, observe Malika Belarbi, de la fédération CGT Santé Action Sociale.

PERTE DE CONFIANCE

« Cette crise sanitaire, avec ce virus qui est violent, a mis en évidence la sinistralité de notre secteur. Et aujourd’hui la vaccination, ce n’est pas pour dire on ne veut pas se protéger ou on ne veut pas protéger les résidents, c’est qu’il y a une perte totale de confiance », ajoute la syndicaliste.

Cette réticence face à la vaccination s’observe dans d’autres pays d’Europe. Au sein du groupe BeneVit, qui compte 30 maisons de retraite en Allemagne, 30% du personnel était prêt à recevoir une injection fin novembre. Avec humour, et pour encourager la vaccination, la direction a offert une bouteille de lait de poule à ceux qui se faisaient vacciner.

En Suisse, comme en France, environ la moitié du personnel des maisons de retraite ne souhaite pas se faire vacciner, selon ProSenectute, un groupe de défense des personnes retraitées.

Lundi après-midi, installée dans la salle commune d’une maison de retraite à Clamart (Hauts-de-Seine), Marie-Dominique Chastel, animatrice, fait faire des devinettes aux résidents de l’établissement pour faire travailler leur mémoire.

Elle non plus ne souhaite pas pour l’instant se faire vacciner. « Je pense que mon corps est tout à fait capable de faire ce qu’il a à faire et si je lui apporte trop de choses de l’extérieur, il va se mettre au repos, devenir fainéant et ne plus faire ce pour quoi il est fait », dit-elle.

Dans l’établissement où elle travaille, cinq salariés sur une centaine ont choisi de ne pas se faire vacciner. En revanche, la quasi-totalité des résidents a reçu une première injection. Pour le directeur, Louis Matias, le risque de transmission vis-à-vis des personnes fragiles est donc limité. Ce risque est, « dans l’état actuel de nos connaissance », plus important entre salariés non-vaccinés, souligne-t-il.

« J’AI CRAQUE »

A Boulogne-Billancourt, Marie-France Boudret se rappelle s’être battue jusqu’au bout pour sauver son patient en mars dernier, en sachant que cela n’aurait pas beaucoup d’impact. Le même jour, deux autres résidents sont décédés.

« Ce jour-là, j’ai craqué. Ça a été la goutte d’eau », dit celle qui a perdu 19 patients sur 36 en quelques semaines.

Elle ne fait pas de lien direct entre la perte de confiance dans le discours officiel et sa perception du vaccin contre le COVID-19. Mais, elle revient sur ses conditions de travail, le manque de reconnaissance et le sous-effectif dans le secteur.

A 48 ans, elle estime qu’elle n’est pas à risque et ajoute que, pour l’instant, les études n’affirment pas que l’on évite toute transmission du virus, même vacciné. Surtout, elle s’interroge sur la rapidité de la mise au point du sérum.

« Quand on fabrique un vaccin, ça met des années, on fait des tests, on fait des expériences pour voir les effets secondaires et là c’est vrai que j’ai trouvé ça très rapide », dit-elle.

Pour Patrick Peretti-Watel, directeur de recherche à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, et membre du comité d’orientation de la stratégie vaccinale, la question de la vaccination est indissociable des conditions de travail, surtout dans le secteur de la santé, qui a connu une année de forte mobilisation avant la crise sanitaire.

« Si on est confronté au quotidien à des difficultés dans son travail, parce qu’on manque de force de travail, on manque de moyens, (…) quand c’est la même autorité à laquelle on s’adresse à chaque fois sans succès pour avoir davantage de moyens qui vous fait une injonction vaccinale, forcément, le message est brouillé », explique-t-il.

Pour le chercheur, il s’agit de regagner cette confiance, sachant que cela se joue, à court terme, sur le terrain de l’information, et à moyen terme dans l’amélioration de leur quotidien.

(Avec Caroline Copley, à Berlin, John Mille à Zurich, et Christian Lowe à Paris, édité par Jean-Michel Belot)

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