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Comment la BCE a évité un désastre sur les paiements européens

par Francesco Canepa et Lefteris Papadimas

FRANCFORT/ATHÈNES (Reuters) – La panne informatique ayant affecté les systèmes de la Banque centrale européenne (BCE) le 27 février a retardé le versement de salaires et d’aides sociales pour des milliers de personnes, mais aurait pu avoir des conséquences bien pires.

Si cette interruption de service avait eu lieu le lendemain, dernier jour du mois de février durant lequel sont versés les salaires de fonctionnaires ainsi que des prestations sociales, des millions de personnes et d’entreprises auraient pu être affectées et le système bancaire mis sous pression.

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« Si cette panne s’était poursuivie vendredi, d’importantes questions de gestion du risque se seraient posées pour les banques. Les responsables du risque auraient dû décider s’il fallait créditer les comptes de leurs clients, même sans versement préalable », explique Alistair Milne, professeur à la Loughborough Business School.

A la faveur d’entretiens avec une douzaine de sources au fait du problème, dont des responsables au sein des banques centrales, des banquiers, des courtiers, ainsi qu’une lecture des messages envoyés par la BCE aux acteurs de marché, Reuters a été capable de reconstituer les évènements du 27 février.

Il aura fallu 10 heures chaotiques pour identifier et réparer le problème jeudi, qui a empêché le versement de prestations sociales pour plus de 15.000 Grecs pauvres et âgés, ainsi que de nombreux salaires et pensions de retraite en Autriche, certaines transactions financières n’ayant par ailleurs pas pu être menées à bien.

Un composant dysfonctionnel était au cœur du problème, mais il a fallu des heures aux techniciens de la BCE, d’abord attachés à réparer des bases de données jugées à tort défectueuses, pour réaliser le bon diagnostic, selon des messages de la BCE et des commentaires de responsables au sein de l’institution et de trois autres banques centrales de l’Eurosystème.

De nombreuses équipes au sein des banques centrales de la zone euro ont dû continuer à travailler de nuit pour réparer les équipements défectueux et dénouer les transactions suspendues afin que les virements de salaires soient effectués à temps, selon des responsables.

« Un problème matériel peut arriver, mais ne pas avoir de système de secours capable d’être mis en place instantanément en cas de problème n’est pas excusable. Les infrastructures critiques doivent être doublées, la BCE devrait le savoir », commente Markus Ferber, parlementaire européen qui siège au comité de supervision de la BCE.

Un responsable de la BCE a déclaré à Reuters que la banque analysait les raisons qui ont empêché les nombreux systèmes redondants de fonctionner lors de la panne.

Juste avant l’incident, la BCE avait revu en profondeur son système de paiement et de gestion des crises, comme l’avait recommandé un rapport de Deloitte et après une série de pannes en 2020.

Des milliers de milliards d’euros de transactions sont gérés quotidiennement par le système de paiement Target, si important pour la stabilité économique et financière de la zone euro que les emplacements de ses quatre serveurs sont un secret bien gardé, la BCE révélant simplement que ces serveurs sont répartis dans deux endroits différents en Europe.

CANAUX D’URGENCE

La situation a commencé à se dégrader un peu après 8h du matin, heure de Francfort, lorsque le système de la BCE dédié au dénouement de transactions financières, Target 2 Securities (T2S), est tombé en panne. Le réseau Target 2, qui gère les transactions d’un volume plus important entre les banques centrales et commerciales, s’est interrompu deux heures plus tard, selon des commentaires de la BCE à des opérateurs de marché.

Ces deux réseaux sont gérés par la BCE avec le concours des banques centrales allemande, française, espagnole et italienne.

Des responsables de gestion de crise au sein de ces institutions ont d’abord évoqué un problème sur la base de données du système, et qui aurait rendu impossible la restauration d’une sauvegarde précédente du réseau sans répéter la même erreur.

Les équipes au sein des banques centrales ont donc dû analyser l’ensemble des transactions afin d’identifier l’erreur, pendant que le système était hors ligne.

A 11h30, les responsables de la gestion de crise ont activé le canal d’urgence pour les paiements critiques, impliquant des devises étrangères ou des appels de marge, ce afin d’éviter une contagion des turbulences en zone euro à d’autres devises ou à la plomberie des marchés financiers.

Dans le cadre de ce processus, les participants doivent soumettre chaque transaction à la main, ce alors que les systèmes T2 et T2S gèrent chaque jour des centaines de milliers de paiements.

Quelques douzaines de transactions ont cependant été réalisées de cette manière, le reste étant placées sur une liste d’attente dans l’espoir que le problème soit résolu.

Ce n’est que dans l’après-midi que la BCE a réalisé que le problème était matériel.

Les équipes de l’institution ont donc commencé à transférer les transactions sur une liste d’attente un peu avant 16h00, le dénouement des transactions reprenant à 18h00 et jusqu’à minuit, montrent les messages de la BCE.

Ce travail s’est poursuivi jusque tôt dans la matinée, précisent des responsables au sein de quatre banques centrales, dont la BCE.

INFAILLIBILITE

Mais les problèmes ont continué.

Certaines transactions ont été dénouées trop tardivement pour permettre aux banques de les traiter à temps pour février, menant à des retards de paiement pour des milliers de Grecs et d’Autrichiens.

Trois opérateurs de marché ont par ailleurs expliqué que le retard dans les transactions a irrité les opérateurs, un courtier néerlandais racontant par exemple que ses clients ont été facturés pour de l’argent qu’ils avaient emprunté mais jamais reçu, à cause de la panne.

Les opérateurs concernés comptent exiger une compensation de la part de la BCE, comme les règles du système Target le leur permettent.

Paul Harris, partenaire chez Osborne Clarke, estime que les acteurs de marché auront plus de mal à obtenir une compensation de la part de la banque centrale que de groupes privés.

« Lorsque les banques commerciales ont des problèmes d’architecture financière, les récriminations sont durables. Jusqu’ici, (la BCE) ne semble pas avoir de comptes aussi importants à rendre, quand bien même les risques sur la stabilité financière étaient bien plus élevés », commente Paul Harris.

La BCE écrit que la panne est un « incident majeur » qui a eu des « conséquences négatives pour les acteurs de marché et leurs clients » et qu’elle « analyse en profondeur » cet épisode.

Le dernier rapport annuel de la BCE montre que T2 n’a jamais connu d’interruption en 2021, 2022 et 2023. En 2020, le système n’a fonctionné que 99,46% du temps, contre un objectif à 99,7%.

« Un système de paiement infaillible n’est peut-être pas possible. Et s’il l’est, il sera sans doute plus coûteux de le construire que d’accepter quelques heures de retard », conclut Aaron Klein, spécialiste de technologie financière au sein du think-tank the Brooking Institution.

(Avec Sinead Cruise et David Milliken à Londres, Leika Kihara à Tokyo, et Howard Schneider et Pete Schroeder à Washington, version française Corentin Chappron, édité par Sophie Louet)

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