Des chrétiens poursuivis pour blasphème en ligne
Des centaines de personnes au Pakistan ont été victimes de chantage : des chrétiens et d’autres minorités sont accusés à tort d’avoir publié du contenu blasphématoire en ligne. Les Islamistes seraient de mèche avec des responsables pakistanais dans cette escroquerie qui a entraîné une augmentation des poursuites pour blasphème.
Le nombre de poursuites pour blasphème au Pakistan est en forte augmentation, en partie à cause d’accusations de « blasphème en ligne » portées par des groupes d’autodéfense contre des jeunes, souvent chrétiens. Parfois, ces groupes utilisent des techniques de piégeage pour persuader les gens de télécharger du contenu blasphématoire. D’autres fois, ils piratent les comptes de médias sociaux de particuliers et publient eux-mêmes du contenu blasphématoire.
Les chrétiens, une minorité persécutée au Pakistan, sont particulièrement vulnérables aux fausses accusations de blasphème contre l’islam.
Lors d’une conférence de presse à Islamabad le 10 janvier 2025, des avocats des droits de l’homme ont déclaré qu’au cours des dernières années, 450 personnes avaient été emprisonnées sur la base de fausses accusations de blasphème en ligne déposées par un seul groupe criminel.
Une connexion islamiste
Le site Internet sur la liberté religieuse Bitter Winter a rapporté que lors de la conférence de presse, les avocats ont déclaré que le gang avait des liens avec le mouvement islamiste radical Tehreek-e-Labbaik Pakistan (TLP). Les membres du gang publiaient en ligne des contenus blasphématoires au nom d’individus innocents, puis les dénonçaient à la police. Lorsque celle-ci portait plainte, les criminels faisaient chanter leurs victimes, exigeant des paiements considérables en échange de l’abandon des poursuites. Ceux qui ne payaient pas, ou ne pouvaient pas payer, finissaient par être poursuivis et risquaient la peine de mort.
L’un des prisonniers est le fils de Saeeda Bibi. Aveugle, il a été arrêté alors qu’il n’avait jamais publié de messages sur les réseaux sociaux, a-t-elle témoigné. Malgré l’innocence évidente de son fils, les autorités pakistanaises lui ont demandé un pot-de-vin. Même après l’avoir payé, elles ne l’ont pas libéré. Son fils est toujours en prison.
Des centaines de victimes sont détenues en prison, où cinq d’entre elles sont déjà mortes des suites de tortures, selon les avocats.
Une collusion officielle
Qualifiant le gang de « groupe commercial pour le blasphème », les avocats ont déclaré qu’il avait piégé des victimes avec la participation active d’enquêteurs fédéraux, a rapporté le site internet Morning Star News.
Cette implication officielle a également été mentionnée dans un rapport de la Commission nationale des droits de l’homme (NCHR) du Pakistan, basé sur une enquête sur les affaires de blasphème entre octobre 2023 et octobre 2024.
« Les conclusions de l’enquête ont mis en évidence une tendance inquiétante : une forte augmentation du nombre d’enregistrements de cas de blasphème, dont la majorité ont été initiés par l’unité de lutte contre la cybercriminalité de l’Agence fédérale d’enquête (FIA), souvent en collaboration avec une entité privée », indique le rapport. Il appelle à « un examen complet des rôles et des responsabilités des entités gouvernementales et privées » impliquées dans les affaires de blasphème.
La NCHR a, en outre, noté que le nombre de cas de blasphème avait triplé au cours des sept premiers mois de 2024 par rapport à l’ensemble de l’année 2023.
Et la tendance semble se poursuivre en 2025. Le 24 janvier, un tribunal de Rawalpindi a condamné à mort quatre hommes pour avoir prétendument publié des contenus blasphématoires en ligne.
« Une tache sur le système judiciaire »
L’un des avocats présents à la conférence de presse d’Islamabad était l’avocat de la Cour suprême Rana Abdul Hameed. Il est l’avocat de la chrétienne Shagufta Kiran, mère de quatre enfants, arrêtée en juillet 2021 pour blasphème en raison de documents qu’elle aurait partagés dans un groupe WhatsApp.
Selon Me Hameed, l’accusateur de Kiran, Shiraz Ahmad Farooqi, est le chef de ce groupe d’extorsion. L’affirmation de Me Hameed est étayée par un rapport publié par la section spéciale de la police du Pendjab en janvier 2024. L’avocat a déclaré que les fausses affaires avaient « soulevé de sérieuses questions sur l’intégrité du système juridique pakistanais », a rapporté le Morning Star News. « Ces affaires sont non seulement sans fondement, mais elles entachent également le système judiciaire », a déclaré Me Hameed.
Shagufta Kiran a été condamnée à mort le 18 septembre 2024. En 2022, dans une lettre adressée au ministre de la Justice pakistanais de l’époque, CSI avait demandé la libération de Mme Kiran et de neuf autres personnes accusées de blasphème.
Des frères jumeaux chrétiens acquittés
Fait encourageant, un tribunal a acquitté le 25 janvier 2025 des jumeaux chrétiens au motif que les accusations de blasphème portées contre eux n’étaient pas prouvées. Sahil et Rahil Masih, âgés de 18 ans, avaient été accusés d’avoir profané un Coran lors d’un festival de village en août dernier.
CSI a soutenu la famille des jumeaux pendant leur l’incarcération, en prenant en charge les frais juridiques, en relogeant la famille dans un endroit plus sûr et en aidant les parents à créer une petite entreprise.
Morven McLean
Vous aimez nos publications ? Engagez-vous !
Les systèmes politiques et médiatiques ont besoin que s'exercent des contre-pouvoirs. Une majorité de journaux, télévisions et radios appartiennent à quelques milliardaires ou à des multinationales très puissantes souhaitant faire du profit, privant les citoyens d’un droit fondamental : avoir accès à une information libre de tout conflit d’intérêt.Le Journal Chrétien, service de presse en ligne bénéficiant d’un agrément de la Commission paritaire des publications et agences de presse du Ministère de la Culture, assure un contre-pouvoir à l’ensemble des acteurs sociaux, en vérifiant les discours officiels, en décryptant l'actualité, en révélant des informations de première importance ou en portant le témoignage des dominés.
La qualité de notre travail est reconnu par les médias séculiers. Dernièrement, le président du Journal Chrétien a accordé une longue interview à Sud Ouest, le deuxième quotidien régional français avec une diffusion totale de 219 000 exemplaires.
ENGAGEZ VOUS !
Quand les évangéliques sont attaqués, calomniés ou traités avec mépris par les médias traditionnels, un silence de notre part ne serait pas chrétien. Une telle attitude montrerait un renoncement suspect à se faire respecter et à exiger des médias mondains un tel respect.Lorsque les pasteurs et les églises évangéliques sont attaqués, le critère de la solidarité chrétienne doit jouer. Comment nous dire membres du Corps du Christ si nous restons indifférents à la persécution de certains d’entre nous, souvent réduits au silence et incapables de faire valoir leurs droits ou, tout simplement, de se faire respecter comme chrétiens ou communautés évangéliques ?
En s'appuyant sur notre plateforme de médias, l’action sur l’opinion publique est évidemment essentielle. Faire savoir est la condition de toute action, car rien n’est pire que le silence. D’où l’importance de l’action en direction des médias, des institutions et des populations.
Evidemment, ici comme ailleurs, la réticence de la part des chrétiens à agir comme des groupes de pression constitue une difficulté majeure. Mais, là encore, ne faudrait-il pas s’interroger sur notre dispersion et nos réticences à agir comme lobby, quand il s’agit de défenses des libertés et droits humains fondamentaux ?