La BCE doit résister à la tentation d’une baisse anticipée des taux, disent Nagel et Schnabel
FRANCFORT (Reuters) – L’inflation dans la zone euro reste obstinément élevée et la Banque centrale européenne (BCE) devrait donc résister à toute tentation de réduire les taux d’intérêt de manière anticipée, a déclaré vendredi le président de la Bundesbank, Joachim Nagel, des déclarations auxquelles un autre membre du Conseil des gouverneurs de la BCE, Isabel Schnabel, a fait écho.
La BCE a maintenu ses taux d’intérêt à un niveau record depuis septembre dernier et refuse pour l’heure d’ouvrir le débat sur une réduction des taux, arguant que la croissance des salaires est encore trop rapide pour qu’elle puisse commencer à assouplir sa politique monétaire restrictive.
Les investisseurs pariaient il y a quelques semaines sur une baisse des taux de 150 points de base en 2024, mais les attentes ont reculé et s’élèvent désormais à seulement 88 points de base avec le premier mouvement prévu en juin, un changement inhabituellement important dans les attentes du marché.
« Même si cela peut être très tentant, il est trop tôt pour réduire les taux d’intérêt », a déclaré Joachim Nagel dans un discours.
« Nous n’aurons qu’une image plus détaillée de l’évolution des pressions sur les prix domestiques au cours du deuxième trimestre », a-t-il ajouté. « Nous pourrons alors envisager une baisse des taux d’intérêt ».
Isabel Schnabel, l’autre représentante allemande au Conseil des gouverneurs et voix tout aussi influente, s’est également montrée circonspecte vendredi, affirmant que les derniers efforts pour ramener l’inflation à sa cible pourraient être plus difficiles que prévu.
« Nous devons être prudents (…): il y a des raisons de penser que le dernier kilomètre sera plus difficile », a-t-elle déclaré lors d’une conférence universitaire à Milan.
Isabel Schnabel a également fait valoir que, les marchés anticipant déjà des baisses importantes de taux, les conditions financières s’étaient déjà considérablement assouplies et justifiaient de faire preuve de prudence.
La membre du Conseil des gouverneurs a néanmoins signalé que les entreprises commençaient à absorber une partie de la croissance des rémunérations, ce qui fait espérer qu’une boucle salaires-prix ne se mettra pas en place.
La BCE prévient depuis longtemps que les chiffres sur les accords salariaux pour 2024 ne seront publiés qu’en mai et que la réunion de juin sera donc la première occasion pour les décideurs d’avoir une preuve d’un ralentissement de la croissance des salaires.
Cependant, la BCE a déjà fait valoir que la baisse des prix de l’énergie à elle seule justifierait probablement une réduction des anticipations d’inflation, de sorte que les projections attendues en mars devraient montrer un tableau plus favorable.
Une baisse précoce des taux risque d’empêcher d’atteindre l’objectif d’inflation de 2% et pourrait, dans un cas extrême, forcer la BCE à relever à nouveau les taux, une erreur qui serait coûteuse, a dit Nagel.
L’inflation est désormais inférieure à 3% en zone euro.
(Reportage Balazs Koranyi, version française Diana Mandiá, édité par Blandine Hénault)