En Inde, les chrétiens indiens protestent contre la pire persécution
Le 19 février dernier, plus de 22 000 chrétiens ont manifesté pacifiquement à Delhi, capitale de l’Inde. Ils ont ainsi attiré l’attention sur la forte augmentation de la haine et de la violence à leur encontre. La persécution des chrétiens en Inde n’a jamais été aussi violente que durant les années 2021 et 2022.
Les chrétiens en Inde sont connus pour leur attitude pacifique. Depuis l’indépendance de ce pays il y a plus de sept décennies, ils n’ont appelé que quelques fois à des manifestations de protestation. Par le passé, il n’y a eu que trois manifestations en réaction à des crimes violents commis contre des chrétiens : le viol de religieuses dans les années 1990, l’immolation par le feu du missionnaire australien Graham Stuart Staines et de ses fils Philip et Timothy en 1999, et les violentes émeutes dans le district oriental du Kandhamal en 2008. La manifestation du 19 février a marqué un tournant. Presque toutes les confessions étaient représentées : des Églises catholiques et protestantes aux communautés évangéliques et indépendantes.
Jamais autant de violence qu’en 2022
Le United Christian Forum (UCF), dont le siège est à Delhi, documente les violences religieuses. Pour l’année 2022, l’UCF rapporte 598 incidents de violence contre des chrétiens dans 21 États fédérés. En 2021, il y avait eu 486 cas. Depuis l’indépendance de l’Inde, 2022 a été l’année de la plus grande persécution des chrétiens. L’évolution a été particulièrement préoccupante dans les États fédérés de l’Uttar Pradesh, de l’Uttarakhand, du Chhattisgarh, du Madhya Pradesh, du Jharkhand et du Karnataka.
Une lettre au gouvernement
La communauté chrétienne a adressé un mémorandum à la présidente indienne Draupadi Murmu, au Premier ministre Narendra Modi, aux premiers ministres de tous les États fédérés indiens et à d’autres fonctionnaires. Dans ce mémorandum, ils ont exprimé leur inquiétude quant à l’absence de poursuites et de sanctions contre les auteurs de ces actes. « Même des politiciens de haut rang et des divers acteurs non étatiques appellent au sang des chrétiens et menacent de purger différents États fédérés de tous les enfants, femmes et hommes chrétiens », poursuit le mémorandum.
Ce qui n’est pas hindou doit disparaître
L’Hindutva, une idéologie politique nationaliste hindoue, affirme que les chrétiens et les autres minorités religieuses ne peuvent pas être de vrais Indiens, car leurs religions sont nées en dehors de l’Inde. Selon cette idéologie, toute l’Inde doit être purifiée de la présence chrétienne. « Pourtant, le christianisme a une tradition millénaire en Inde. Les chrétiens ont cohabité pacifiquement avec les autres religions depuis le premier siècle, lorsque l’apôtre Thomas est venu en Inde et a subi le martyre sur le sol indien, a déclaré le Dr Michael Williams, président de l’UCF. Le récit répandu par les extrémistes de l’Hindutva, selon lequel le christianisme est une « culture étrangère », est extrêmement blessant et aliénant pour la communauté chrétienne. Il doit être réfuté et ses propagateurs doivent être tenus responsables dans des forums tant juridiques que publics. »
L’État laisse faire les extrémistes
L’UCF a constaté que presque tous les incidents signalés en 2022 révèlent un schéma similaire de menaces, de coercition et d’agressions de la part d’extrémistes religieux. Face à l’État de droit, ils semblent bénéficier d’une immunité, la police et les médias locaux les accompagnant même souvent. Une autre tendance, selon l’UCF, est que les gangs s’introduisent par la force dans les réunions de prière chrétiennes ou rassemblent des individus en les accusant de « convertir de force les gens à leur religion ». Ils frappent des hommes, des femmes et même des enfants avec des bâtons et des barres, sans être punis. Il arrive aussi qu’ils se servent d’armes à feu, poursuit l’UCF. « Il est difficile de comprendre pourquoi la police se tait et arrête ensuite des victimes chrétiennes sous l’accusation de conversions religieuses illégales. »
Des dénonciations pour des « conversions forcées »
Selon l’UCF, au moins 111 plaintes ont été déposées contre des chrétiens en 2022 pour des « conversions forcées », le plus souvent par des organisations religieuses radicales. En décembre 2022, des bandes armées ont assiégé des maisons chrétiennes dans des villages du Chhattisgarh. Ils accusaient les chrétiens de « conversion massive ». Les villageois ont dû fuir pour sauver leur vie et beaucoup n’ont pas pu rentrer chez eux.
La violence contre les chrétiens est en constante augmentation
Le nombre d’actes de violence signalés contre les chrétiens en Inde n’a cessé d’augmenter depuis 2014, lorsque le parti nationaliste hindou Bharatiya Janata (BP) a remporté les élections législatives. Au moins 127 incidents ont été signalés en 2014, 142 en 2015, 226 en 2016, 248 en 2017, 292 en 2018 et 328 en 2019. En 2020, le nombre d’incidents a légèrement diminué pour atteindre 279, mais il a atteint un pic l’année suivante. « Malgré les appels répétés aux autorités, la violence et la haine envers les chrétiens continuent d’augmenter de manière drastique », a déclaré le Dr John Dayal, activiste chrétien. La communauté chrétienne a demandé au président indien de veiller à ce que l’État de droit soit respecté et que les minorités religieuses aient la certitude que leurs droits constitutionnels ne soient pas menacés. Les chrétiens ne représentent que 2,3 % de la population indienne, contre environ 80 % pour les hindous.
Anugrah Kumar, responsable CSI pour l’Inde