TotalEnergies: La justice française rejette une plainte contre un projet en Ouganda
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PARIS (Reuters) – Le tribunal judiciaire de Paris a jugé mardi irrecevable la plainte de six organisations non gouvernementales (ONG) visant à interrompre le développement d’un projet pétrolier de TotalEnergies en Ouganda et en Tanzanie, montre la décision que Reuters a pu consulter.
Le tribunal devait se prononcer sur une procédure engagée en 2019 par les Amis de la Terre France et cinq autres ONG françaises et ougandaises qui accusent TotalEnergies d’avoir exproprié les terres de plus de 100.000 personnes sans compensation adéquate et de préparer des forages dans une zone abritant des espèces menacées.
Il s’agit de la première décision, qui faisait ainsi figure de test, sur la loi française sur le devoir de vigilance, adoptée en 2017, qui rend les grandes entreprises françaises responsables des risques de leurs activités pour l’environnement et les droits humains.
Selon le tribunal, les demandes et griefs présentés en 2019 étaient différents de ceux exposés lors des récents débats, faisant penser que TotalEnergies aurait pu ne pas avoir été notifié en amont des nouveaux éléments.
« Faute de mise en demeure préalable (…) il y a lieu de déclarer irrecevables les demandes », a indiqué le tribunal dans son jugement.
« Les griefs et les manquements reprochés à la société TotalEnergies SE (..) doivent faire l’objet d’un examen en profondeur des éléments de la cause excédant les pouvoirs du juge des référés », a-t-il ajouté.
ENVIRON 400 PUITS FORÉS ET UN OLÉODUC CONSTRUIT
Les Amis de la Terre France ont déclaré dans un communiqué que les associations « contestent avoir modifié substantiellement leurs demandes » et qu’elles n’ont fait que « les préciser et consolider leur argumentaire ».
« Elles se réservent sur les suites à donner à cette décision, en consultation avec les communautés affectées », a ajouté l’ONG française.
TotalEnergies n’a pas commenté la décision du tribunal dans l’immédiat.
Le groupe a déjà précédemment fait valoir que ses plans de vigilance, de compensation et de relocalisation étaient justes et légaux, et qu’un tribunal français n’a pas le pouvoir de contrôler les activités à l’étranger de sa filiale TotalEnergies EP Uganda.
En jeu : les projets pétroliers du groupe en Ouganda et en Tanzanie, qui prévoient le forage d’environ 400 puits (projet Tilenga) et la construction d’un oléoduc de 1.443 kilomètres, d’une valeur de 3,5 milliards de dollars, dans lequel il détient une participation de 62% (projet EACOP).
La loi de 2017 sur le devoir de vigilance impose aux sociétés mères et aux entreprises donneuses d’ordre de prévenir les atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes ainsi que l’environnement, résultant de leurs activités et de celles de leurs filiales, sous-traitants ou fournisseurs, à travers l’établissement et la mise en oeuvre d’un « plan de vigilance ».
Dans le cas de la procédure engagée contre TotalEnergies, les Amis de la Terre France et cinq autres ONG françaises et ougandaises demandaient une suspension d’urgence des projets du groupe jusqu’à ce qu’une compensation financière soit versée aux personnes qui, selon elles, ont été lésées par l’acquisition de terres liée à ces projets.
D’AUTRES MULTINATIONALES PRISES POUR CIBLE
Ces militants réclamaient également la mise en place d’un nouveau plan de vigilance de l’entreprise, afin de prendre en compte les risques environnementaux pour l’eau, les espèces menacées et le climat en Ouganda et en Tanzanie. TotalEnergies affirme que son plan a été mis en oeuvre de manière efficace dans le cadre des projets concernés, pour lesquels des permis de construire ont été accordés le mois dernier en vue d’une mise en service de l’oléoduc prévue en 2025. « Le plan de vigilance de TotalEnergies SE identifie bien les risques répondant aux préoccupations des ONG (…), [y compris] les risques concernant les droits humains et les communautés locales, l’accès à la terre, le droit à la santé et à un niveau de vie suffisant, ainsi que les risques pour la sécurité des personnes et l’environnement », a indiqué le groupe lundi dans une déclaration à Reuters. D’autres multinationales françaises, dont EDF, La Poste, Teleperformance, Suez, BNP Paribas et Danone, ont été visées sur la base de la loi de 2017 sur le « devoir de vigilance ». Ces affaires concernent des sujets aussi variés que la pollution par les plastiques, les conditions de travail en France et à l’étranger, les prêts à des entreprises contribuant à la déforestation, ou encore les conflits fonciers avec des populations locales lors de la construction de nouveaux projets.
(Version française Benjamin Mallet et Kate Entringer; édité par Tangi Salaün)