Macron, Scholz et Draghi en Ukraine pour afficher leur solidarité
Emmanuel Macron, Olaf Scholz et Mario Draghi ont entamé jeudi en Ukraine une visite commune à fort symbole destinée à afficher l’unité des Européens et leur solidarité avec Kyiv près de quatre mois après le début de l’invasion russe.
Après avoir voyagé de nuit dans un train spécialement affrété par les Ukrainiens pour les personnalités de haut rang, le président français, le chancelier allemand et le président du Conseil italien sont arrivés vers 06h30 GMT dans la capitale ukrainienne avant de se rendre à Irpin, site de crimes de guerre présumés à une vingtaine de kilomètres de Kyiv, où ils ont été rejoints par le président roumain, Klaus Iohannis.
« C’est un moment important. C’est un message d’unité européenne adressé aux Ukrainiennes et aux Ukrainiens, de soutien pour parler à la fois du présent et de l’avenir parce que les semaines qui viennent, on le sait, seront des semaines très difficiles », a déclaré Emmanuel Macron sur le quai de la gare de Kyiv, où il a été accueilli par la vice-Première ministre ukrainienne chargée des Affaires européennes.
Les quatre dirigeants européens ont arpenté les rues d’Irpin au milieu d’immeubles détruits ou calcinés, entourés d’un imposant cortège de membres des forces de sécurité ukrainiennes, selon des images diffusées par BFM TV. La ville, 62.000 habitants avant la guerre déclenchée par Moscou le 24 février, a été occupée par les forces russes pendant un mois et dévastée par les combats avant d’être libérée par l’armée ukrainienne à la fin mars. Des cadavres de dizaines de civils y ont été retrouvés. L’Ukraine accuse la Russie d’y avoir commis des crimes de guerre à grande échelle, ce que Moscou dément.
« Je veux montrer mon admiration pour le peuple ukrainien », a déclaré Emmanuel Macron avant son départ pour Irpin.
« NE PAS DÉSTABILISER NI FRACTURER L’UE »
Emmanuel Macron, Olaf Scholz, Mario Draghi et Klaus Iohannis devraient ensuite retrouver à Kyiv le président ukrainien Volodimir Zelensky pour un entretien consacré au conflit en cours ainsi qu’à la demande d’adhésion à l’UE déposée par Kyiv.
Les dirigeants français, allemand et italien ont essuyé des critiques en Ukraine pour leur position jugée trop timorée face à la guerre et il a fallu plusieurs semaines pour mettre en place cette visite.
Emmanuel Macron ne s’était pas encore rendu en Ukraine depuis le début de l’invasion russe, ce qui lui a valu des reproches, en France comme à Kyiv. Interrogé sur le choix de cette date de jeudi, l’Elysée l’a justifié par l’imminence du Conseil européen des 23 et 24 juin où la candidature d’adhésion de l’Ukraine sera débattue.
« Le temps utile pour cette visite, c’était le Conseil européen des 23/24 où un geste symbolique fort est attendu par les Ukrainiens », a déclaré une source à la présidence française.
La Commission européenne doit faire connaître vendredi sa recommandation sur la demande d’adhésion de l’Ukraine, déposée en février dernier par Volodimir Zelensky quelques jours après le début de l’invasion russe, mais qui suscite les réticences de certains Etats membres et alimente les dissensions au sein de l’UE sur la pertinence d’un élargissement du bloc communautaire.
« Il faut trouver un équilibre entre les aspirations naturelles de l’Ukraine à l’UE à un moment très particulier, une attention portée à tous les pays qui ont déjà le statut de candidat et sont bloqués dans les chapitres de négociations et le fait qu’il ne faut pas déstabiliser l’UE ni la fracturer », a souligné la source à l’Elysée.
LA FRANCE VEUT LE RÉTABLISSEMENT DE L’INTÉGRITÉ TERRITORIALE DE L’UKRAINE
Sur le plan militaire, l’Ukraine réclame d’urgence l’envoi de nouvelles armes pour affronter les assauts des forces russes dans le sud et l’est du pays.
Volodimir Zelensky est « dans une position vraiment difficile », a estimé un responsable de haut rang d’un Etat membre de l’UE. « L’armée ukrainienne a non seulement besoin d’armes, mais manque de plus en plus de soldats. »
Les autorités de Kyiv ont reproché à plusieurs reprises à la France et l’Allemagne, et l’Italie dans une moindre mesure, de tergiverser dans leur soutien à l’Ukraine.
L’Ukraine juge notamment insuffisante l’aide militaire apportée par l’Allemagne. L’ambassadeur d’Ukraine à Berlin, Andrij Melnyk, a déclaré à la chaîne allemande NTV qu’il attendait que le gouvernement allemand lui fournisse des armes lourdes promises depuis longtemps mais pas encore livrées.
Olaf Scholz dément avoir retardé l’envoi d’une aide militaire, estime que l’Allemagne est un des premiers soutiens militaires et financiers de l’Ukraine et explique qu’il faut prendre le temps de former les soldats ukrainiens à l’utilisation des systèmes d’artillerie sophistiqués que son pays livre à Kyiv.
Des propos d’Emmanuel Macron appelant à « ne pas humilier » Vladimir Poutine, afin de tenter de trouver une issue diplomatique au conflit, ont également été mal reçus en Ukraine.
Oleksi Arestovitch, conseiller de Volodimir Zelensky, a déclaré cette semaine au journal allemand Bild qu’il craignait que les trois dirigeants fassent pression sur l’Ukraine pour qu’elle accepte un accord de paix favorable au président russe.
« Ils diront que nous devons mettre fin à la guerre qui crée des problèmes alimentaires et économiques (…), que nous devons sauver la face de M. Poutine », a-t-il dit.
Face à ces inquiétudes, Mario Draghi a déclaré mardi qu’il était important d’ouvrir des pourparlers de paix mais en des termes jugés acceptables par l’Ukraine.
La France souhaite quant à elle une victoire militaire de l’Ukraine afin que le pays retrouve sa pleine intégrité territoriale, y compris en Crimée annexée par la Russie en 2014, a déclaré jeudi à Reuters une source diplomatique française.
(Avec Sarah Marsh et Andreas Rinke à Berlin, John Irish, Sudip Kar-Gupta et Benoît Van Overstraeten à Paris, rédigé par Crispian Balmer et Ingrid Melander, version française Matthieu Protard et Jean-Stéphane Brosse, édité par Nicolas Delame et Sophie Louet)