L’UE et l’Amérique du Sud s’empressent de conclure un accord controversé
par Lucinda Elliott, Lisandra Paraguassu et Anthony Boadle
Faites un don au Journal Chrétien pour nous permettre de produire plus de vidéos comme celle-ci.
MONTEVIDEO/BRASILIA (Reuters) – Le bloc commercial sud-américain Mercosur va se réunir en Uruguay, ce jeudi, un événement que le groupe pourrait potentiellement utiliser pour annoncer le lancement d’un accord commercial maintes fois retardé avec l’Union européenne à la suite de négociations de dernière minute.
L’accord commercial, soutenu par la plupart des pays d’Amérique du Sud et préconisé par l’Allemagne et l’Espagne, s’est heurté à une opposition farouche de la France, qui redoute que les importations agricoles vers l’Europe aient un effet néfaste sur son puissant secteur fermier.
Toutes les parties ont envoyé des représentants à la table des négociations au Brésil la semaine dernière, ont déclaré des sources diplomatiques et gouvernementales à Reuters, en vue d’envoyer des délégations à Montevideo si un accord devait être conclu lors des pourparlers virtuels tenus pendant le reste de la semaine.
Notamment, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, pourrait potentiellement se rendre au sommet du 5 et du 6 décembre dans la capitale uruguayenne, ont déclaré deux sources européennes, tout en indiquant qu’il était peu probable qu’un accord soit signé. Une source a indiqué que la diplomate avait réservé un ticket d’avion, au cas où.
« Le dernier tour de négociations s’est clôturé après d’importants progrès », a déclaré lundi Mauricio Lyro, secrétaire des affaires économiques au ministère des Affaires étrangères brésilien.
« Nous sommes optimistes. Les points en suspens ont été soumis aux dirigeants afin d’être finalisés », a-t-il ajouté.
Bernd Lange, un membre du parti social-démocrate allemand siégeant à la tête du Comité du commerce du Parlement européen, a déclaré mardi que la situation domestique au sein de l’UE demeurait le principal obstacle à un accord et que sa participation au sommet était encore incertaine.
« Ils discutent au treizième étage (le bureau de la présidente de la Commission), pour voir s’ils prennent leurs bagages et se rendent à l’aéroport ou pas. C’est un peu compliqué », a indiqué Lange lors d’une séance d’information.
L’accord commercial, qui est en cours de préparation depuis plus de vingt ans, a été retardé sur fond d’inquiétudes européennes sur la compétition dans le secteur fermier. En retour, le Brésil, l’Argentine, le Paraguay et l’Uruguay, qui sont tous des producteurs majeurs de soja, de maïs et de boeuf, ont critiqué le protectionnisme européen.
Le président brésilien, Luiz Inacio Lula da Silva, a cependant annoncé la semaine dernière que l’accord était à présent négocié directement avec Ursula von der Leyen après un nouveau cycle de négociations en personne tenu au Brésil. Il s’est dit confiant quant à la possibilité qu’un accord soit finalisé cette année.
D’autres se sont néanmoins montrés plus sceptiques. « Si Ursula se rend à Montevideo, ce sera pour montrer l’engagement de l’UE en vue de la conclusion d’un accord, mais rien ne sera signé », a indiqué un diplomate européen à Brasilia.
Un autre diplomate a déclaré en Uruguay voir encore une chance à « 60-40 que ça ne mène nulle part ».
CONCLURA OU CONCLURA PAS
Paris a tenté de convaincre les autres membres de l’UE de former une minorité de bloquage. La Pologne s’est récemment jointe à l’opposition. Néanmoins, la France devrait réussir à rassembler au moins trois pays représentant plus de 35% de la population de l’union afin de bloquer l’accord.
D’autres pays européens, tels que l’Allemagne et l’Espagne, sont à la tête d’une coalition de 11 États membres favorables à l’accord. Ces pays veulent mettre en place de nouvelles routes commerciales qui pourraient réduire leur dépendance à la Chine et protéger l’union des droits de douane promis par le futur président américain Donald Trump.
Un accord UE-Mercosur avait initialement été conclu en 2019, mais n’a jamais été ratifié à cause des demandes européennes sur la déforestation et le changement climatique. Certaines autorités redoutent que ce soit à nouveau le cas même si un texte final devait être conclu.
« Bien que nous nous réjouisserions si quelque chose devait être signé à Montevideo cette semaine, nous attendons de voir quand ce sera mis en pratique », a déclaré Ignacio Bartesaghi de l’Université catholique d’Uruguay.
Toute version finale et juridiquement contraignante de l’accord devrait également être revue avec soin et traduite dans de nombreuses langues avant d’être officiellement signée, a ajouté un des négociateurs. Cela pourrait prendre des mois.
LES DEBUTS DU PRESIDENT ARGENTIN MILEI
Le sommet de Montevideo sera également le théâtre de la première participation du président libertaire de l’Argentine, Javier Milei, à un événement du Mercosur. Il avait émis des menaces à peine voilées de se retirer du bloc à mois qu’il soit autorisé à poursuivre des accords commerciaux bilatéraux en-dehors de celui-ci, notamment avec les États-Unis.
Tout comme le président uruguayen sortant Luis Lacalle Pou, Javier Milei aimerait que le groupe se montre plus flexible. Lors de son mandat, le chef d’État de l’Uruguay avait engagé des négociations officielles sur un accord de libre-échange avec la Chine, une décision que son successeur ne poursuivra probablement pas.
Selon certains diplomates, les négociations entre l’UE et Mercosur auront probablement un impact sur l’approche de Javier Milei par rapport au groupe.
Si l’accord devait être conclu, Ignacio Bartesaghi pense que cela « verserait de l’eau froide » sur les plans de Javier Milei en vue de couper les liens avec le bloc.
Un accord renforcerait « l’argument en faveur d’un maintien du groupe, permettrait de gagner du temps et de calmer Milei », a-t-il déclaré, ajoutant que s’il venait à échouer, cela conforterait Javier Milei.
(Lucinda Elliott à Montevideo, Lisandra Paraguassu et Anthony Boadle à Brasilia, avec Philip Blenkinsop à Bruxelles; version française Pauline Foret, édité par Augustin Turpin)