Macron, à Mayotte, décrète un jour de deuil national le 23 décembre
par Tassilo Hummel
MAMOUDZOU, Mayotte (Reuters) -Le président Emmanuel Macron s’est rendu jeudi à Mayotte, cinq jours après le passage dévastateur du cyclone Chido dans le département français de l’océan Indien, où il a annoncé un jour de deuil national le 23 décembre et prévenu des « défis » à relever dans les prochaines semaines et pour la reconstruction.
Accueilli par une population inquiète et meurtrie, le chef de l’Etat a exprimé sa prudence à l’égard du bilan évoqué pour l’heure.
« Il est probable qu’il y ait beaucoup plus de victimes » que les 31 recensées officiellement jusqu’à présent, a-t-il dit devant les journalistes.
Emmanuel Macron a confirmé qu’un hôpital de campagne ouvrirait vendredi et que 1.200 forces de sécurité seraient déployées d’ici dimanche, contre 800 actuellement.
« On a d’abord l’urgence (…) C’est les soins, d’essayer de réparer ce qui peut l’être (…) et c’est de faire arriver l’eau potable et l’alimentation (…). Et là les choses vont s’accélérer », a-t-il dit également.
« Ensuite, il y a un temps de stabilisation (…) parce que, pendant plusieurs semaines, on va être face à des défis », a-t-il poursuivi. « Et puis y a la dernière phase, c’est la reconstruction (…) On va créer un établissement public, rebâtir Mayotte ».
LE CYCLONE EST VENU « ACHEVER LES GENS »
Plus tôt, via le réseau social X, le président français a annoncé une journée de deuil national le lundi 23 décembre. « Nos drapeaux seront en berne. Tous les Français seront invités à se recueillir à 11h00 ».
« Nous sommes une Nation. Nous partageons tous la peine des Mahorais », a-t-il ajouté.
A son arrivée dans la matinée à l’aéroport de Pamandzi, à bord d’un Airbus A330 transportant quatre tonnes de fret alimentaire et sanitaire, puis lors d’une visite à l’hôpital de Mamoudzou, la capitale mahoraise, Emmanuel Macron a entendu les habitants déplorer le manque d’eau, d’électricité, d’essence et autres services essentiels, alors que l’aide envoyée par l’Etat depuis l’île de la Réunion commence à être distribuée.
« S’il vous plaît, restez, ne partez pas trop vite », lui a dit en larmes une employée de l’aéroport de Pamandzi, Assane Haloi. « Donnez des aides. Des solutions, mais des solutions qui aboutissent. »
L’Elysée a fait savoir à la presse que le chef de l’Etat passerait la nuit dans l’archipel et visiterait vendredi matin d’autres quartiers touchés par le cyclone.
« Mahorais, on va se relever ensemble », a déclaré le chef de l’Etat sur le réseau social X à son arrivée à Mayotte, avant d’embarquer à bord d’un hélicoptère de la gendarmerie pour survoler brièvement le territoire sinistré.
Il a assuré que les communications seraient rétablies dans les jours qui viennent.
« Là, on est dans le dur de la crise », lui a confié un médecin des services de réanimation. « Ce n’est pas la goutte d’eau qui fait déborder le vase, c’est le gros cyclone qui vient achever les gens », a-t-il ajouté, rappelant que l’archipel avait déjà dû faire face à une épidémie de choléra en début d’année.
« CHARNIERS »
Pendant que le chef de l’Etat survolait le territoire, le convoi présidentiel a été hué par des habitants patientant devant une station-service de l’île de Petite-Terre, l’une des trois seules ouvertes sur l’ensemble de l’archipel.
Le bilan humain de la catastrophe reste inconnu à ce stade. Seuls 31 décès ont été confirmés par les hôpitaux mais les autorités redoutent des centaines voire des milliers de morts, alors que des zones dévastées restent inaccessibles et que de fortes pluies sont attendues jeudi sur le nord du territoire.
« On est face à des charniers à ciel ouvert (…). Personne n’est venu récupérer les corps ensevelis », a déclaré la députée centriste Estelle Youssoufa.
Mayotte compte officiellement quelque 320.000 habitants, un nombre largement sous-estimé selon des interlocuteurs du chef de l’Etat pour qui l’aide doit être prévue pour un demi-million de personnes.
Le gouvernement a décrété le blocage pendant six mois des prix de l’eau en bouteille et des produits de grande consommation sur l’archipel, où un couvre-feu nocturne a été mis en place dès mardi soir afin de prévenir pillages et violences.
Le ministre des Outre-Mer démissionnaire, François-Noël Buffet, a également annoncé l’activation de « l’état de calamité naturelle » afin de permettre une gestion plus rapide et efficace de la crise et faciliter la mise en place de mesures d’urgence.
(Reportage Tassilo Hummel, avec la contribution de Michel Rose et Bertrand Boucey à Paris, rédigé par Camille Raynaud, Jean-Stéphane Brosse et Jean Terzian, édité par Tangi Salaün et Blandine Hénault)