Les craintes de récession aux États-Unis gagnent l’Asie et l’Europe
par Jonathan Cable et Leika Kihara
LONDRES/TOKYO (Reuters) – La croissance de l’activité industrielle ralentit en Asie comme en Europe en raison des difficultés d’approvisionnement dues à l’impact de l’épidémie de COVID-19 en Chine et à l’invasion de l’Ukraine par la Russie, au moment où le risque de récession aux Etats-Unis se fait de plus en plus net sur fond de remontée des taux.
La demande de produits manufacturés dans la zone euro a subi en juin sa plus forte baisse depuis mai 2020, époque du pic de la pandémie, montrent les premiers résultats de l’enquête mensuelle de S&P Global auprès des directeurs d’achats: l’indice PMI manufacturier « flash » a reculé à 52,0.
« Les enquêtes PMI de juin dans la zone euro montrent un ralentissement accru du secteur des services tandis que la production dans le secteur manufacturier semble clairement chuter », commente Jack Allen-Reynolds, de Capital Economics.
« Avec des indices de prix qui restent extrêmement hauts, la zone euro semble être entrée dans une période de stagflation. »
La probabilité d’une récession dans la zone euro à un horizon d’un an est d’environ un tiers, estiment les économistes interrogés par Reuters ces derniers jours, qui tablent aussi sur une nouvelle accélération de l’inflation, déjà à un niveau record en mai à 8,1% sur un an.
Mercredi, Jerome Powell, le président de la Réserve fédérale américaine, a expliqué lors d’une audition au Sénat que la banque centrale ne cherchait pas à déclencher une récession aux Etats-Unis mais qu’elle était déterminée à reprendre le contrôle des prix, même si cela impliquait de favoriser une baisse de l’activité.
Il a ainsi reconnu qu’une récession était « certainement une possibilité ».
L’inflation aux Etats-Unis reste plus de trois fois supérieure à l’objectif de 2% que s’est fixé la Fed, ce qui devrait conduire cette dernière à une nouvelle hausse de trois quarts de point de son principal taux directeur le mois prochain, selon une autre enquête de Reuters auprès d’économistes.
ENTRE STAGFLATION ET RÉCESSION
Plusieurs grandes banques et sociétés d’investissement prédisent désormais une récession américaine dès cette année ou en tout cas plus tôt que prévu il y a quelques semaines.
PIMCO, l’un des principaux investisseurs obligataires du monde, a ainsi averti mercredi que le resserrement des politiques monétaires des grandes banques centrales alimentait le risque récessionniste tout comme celui d' »accidents financiers ».
Fitch Ratings a abaissé pour sa part sa prévision de croissance mondiale pour cette année à 2,9%, soit 0,6 point de moins que prévu en mars.
« La stagflation, qui se caractérise par une inflation durablement élevée, un chômage élevé et une demande faible, est devenue le risque dominant depuis la fin du premier trimestre 2022 et un scénario de risque potentiel plausible », ajoute l’agence de notation dans une étude publiée cette semaine.
Plusieurs indicateurs économiques américains ont récemment conforté ce scénario, qu’il s’agisse de la baisse inattendue des ventes au détail ou du ralentissement des reventes de logements, tombées au plus bas depuis deux ans, signe que l’inflation et la remontée des taux d’intérêt sapent la demande dans l’immobilier.
En Grande-Bretagne, après l’annonce d’une contraction inattendue de l’activité économique en avril, les PMI « flash » publiés jeudi montrent que l’inflation affecte les nouvelles commandes dans l’industrie et que l’inquiétude exprimée par les chefs d’entreprise a atteint un niveau qui préfigure généralement une récession.
En Asie, les exportations sud-coréennes ont chuté de près de 13% sur les dix premiers jours de juin par rapport à la période correspondante de l’an dernier et l’indice PMI « flash » manufacturier japonais, à 52,7, reflète une croissance de l’activité au plus bas depuis février.
(Reportage Jonathan Cable et Leika Kihara, version française Marc Angrand)