Réélu pour cinq ans, Emmanuel Macron promet un mandat du « renouveau »
Emmanuel Macron, réélu pour un second mandat présidentiel, s’est engagé dimanche à un quinquennat de renouveau et à respecter le vote de tous les Français, y compris les nombreux électeurs qui lui ont préféré Marine Le Pen ou l’abstention.
Selon les estimations des instituts de sondage, le chef de l’Etat sortant a été réélu pour un deuxième mandat de cinq ans après avoir obtenu plus de 58% des suffrages exprimés, contre près de 41% à la candidate du Rassemblement national (RN).
La victoire d’Emmanuel Macron, la première pour un président en exercice depuis le début de la Ve République, hors période de cohabitation, a été salué par une marée de drapeaux français et européens brandis par ses partisans au pied de la Tour Eiffel, sur l’esplanade du Champ-de-Mars, en plein coeur de Paris.
« Vous avez fait le choix d’un projet humaniste ambitieux pour l’indépendance de notre pays, pour notre Europe », a dit Emmanuel Macron, arrivé sur scène au son de l' »Ode à la joie », l’hymne de l’Union européenne, des enfants à ses côtés.
Dans un discours au ton grave rythmé par les mots « respect » et « bienveillance », le chef de l’Etat a promis de rendre la France et l’Europe « plus fortes » grâce à des « progrès concrets », et a promis en particulier de « faire de la France une grande nation écologique ».
« Je sais que nombre de nos compatriotes ont voté pour moi, non pour soutenir les idées que je porte mais pour faire barrage à celles de l’extrême droite et je veux ici les remercier », a déclaré Emmanuel Macron.
« Je suis dépositaire de leur attachement à la République et du respect des différences qui se sont exprimées », a-t-il dit, promettant que son nouveau mandat ne serait pas « la continuité du quinquennat qui s’achève, mais un renouveau pour faire mieux », avec une « méthode refondée ».
« Je pense enfin à ceux qui ont voté pour Madame Le Pen, dont je sais la déception ce soir », a ajouté le président, faisant taire quelques huées dans la foule.
LE PEN ÉVOQUE UNE « ÉCLATANTE VICTOIRE »
A quelques kilomètres de là, au Pavillon d’Armenonville, un ancien relais de chasse situé à la lisière du Bois de Boulogne, dans l’Ouest parisien, les partisans de Marine Le Pen ont vite rangé les coupes de champagne et cachaient mal leur déception.
« Evidemment, je suis triste, comme tous les militants ce soir, je suis aussi choqué de voir qu’une majorité de Français souhaite réélire un président qui les a méprisés pendant cinq ans », a déclaré à Reuters Adrien Caligiuri, un gestionnaire de projet de 27 ans qui soutient la candidate du RN depuis 2010.
Marine Le Pen a rapidement pris la parole pour reconnaître sa défaite, estimant cependant que son score, « historique » pour son parti, « représente en lui-même une éclatante victoire » et promettant de continuer à se battre pour la « France des oubliés ».
« Les idées que nous représentons arrivent à des sommets », a-t-elle lancé, engageant la « grande bataille » des législatives alors que les Français ont manifesté selon elle la volonté d’avoir « un contre-pouvoir fort à celui d’Emmanuel Macron ».
Bien que confortable, et plus nette que ce que laissaient présager les dernières enquêtes d’intention de vote en date, la victoire d’Emmanuel Macron est moins large qu’il y a cinq ans, quand il avait obtenu 66,1% des voix, contre 33,9% à Marine Le Pen.
« Il va falloir continuer à travailler, rassembler le pays », a déclaré le secrétaire d’Etat aux Affaires européennes Clément Beaune sur France 2, soulignant la progression de l’extrême droite.
« VOTE DE DÉSESPÉRANCE »
Ce score sanctionne un quinquennat marqué par une succession de crises sociales (mouvement des « gilets jaunes », opposition à la réforme des retraites), sanitaire (pandémie de COVID-19) et sécuritaires (attentats islamistes et guerre en Ukraine), qui laisse une France profondément divisée.
« Il n’y a jamais eu un tel vote de désespérance en France », a estimé Christian Jacob, président du parti Les Républicains(LR, droite), dont la candidate Valérie Pécresse a été sévèrement battue au premier tour. « Ce n’est pas un vote d’adhésion » en faveur d’Emmanuel Macron, a renchéri une autre figure de LR, Rachida Dati.
Le parti des anciens présidents Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy va devoir résister aux sirènes du ralliement à Emmanuel Macron comme à celles de l’union des droites proposée dimanche soir par Marine Le Pen et surtout par Eric Zemmour, l’ancien candidat de « Reconquête! ».
« La première coalition des droites et des patriotes pour que les élus de ‘Reconquête!, du Rassemblement national, de ‘Debout la France’ et ceux des républicains qui ne veulent pas se rallier à Emmanuel Macron est une chance de peser, voire de dominer dans la prochaine assemblée », a estimé Eric Zemmour.
A l’autre bout de l’échiquier politique, Jean-Luc Mélenchon, troisième du premier tour avec près de 22% des voix, a appelé ses partisans à « ne pas se résigner » en vue des législatives, tout en jugeant que la défaite de Marine Le Pen est « une très bonne nouvelle » pour l’unité du pays.
Le taux d’abstention s’est élevé à 28%, selon les instituts, soit le plus haut niveau pour un second tour depuis l’élection de 1969 qui avait vu la victoire du gaulliste Georges Pompidou face au centriste Alain Poher.
« RÉFÉRENDUM »
Pour cette réédition de la « finale » de 2017, qui avait tourné à la déroute pour la candidate du RN, notamment lors du débat télévisé d’entre-deux-tours, Marine Le Pen a proposé une tout autre opposition à Emmanuel Macron.
Au fil d’une campagne au long cours, contrairement à celle du chef de l’Etat qui n’a vraiment démarré qu’au soir du premier tour, elle s’est forgé une image moins clivante, affaiblissant le « front républicain » qui a toujours barré la route à l’extrême droite, tout en trouvant dans la question du pouvoir d’achat, menacé par la forte inflation, un angle d’attaque efficace.
Conscient du rejet qu’il suscite chez certains Français, et d’un potentiel de report de voix après le premier tour qui ne lui était pas forcément favorable, Emmanuel Macron s’est employé à se présenter ces deux dernières semaines en président qui « écoute » et qui « protège ».
Mais ni sa politique de « quoi qu’il en coûte » en réponse à la crise sanitaire, ni le début de revalorisation de certains salaires, notamment pour les professionnels de santé, ni la baisse des impôts ou du chômage qu’il a tenté de mettre en avant, n’ont suscité le même enthousiasme que ses grandes promesses de changement en 2017.
Lors de ce scrutin qui a pris au fil des jours des allures de « référendum » sur, ou plutôt contre la personnalité des deux finalistes, le président s’est employé à « rediaboliser » sa rivale d’extrême droite, brandissant la menace d’une soumission de la France à la Russie, d’un « Frexit » déguisé, voire d’une « guerre civile » en raison du projet d’interdiction du port du foulard islamique dans l’espace public.
A ces attaques, Marine Le Pen a répondu dans les derniers jours de campagne par une charge tout aussi virulente contre l' »arrogance » dont aurait fait preuve le président-candidat pendant leur seul débat télévisé, reflet selon elle du « mépris » qu’il a manifesté pendant cinq ans pour « le peuple ».
(Rédigé par Tangi Salaün, avec les contributions de Myriam Rivet, Matthieu Protard, Mimosa Spencer, Laily Foroudi, Juliette Jabkhiro, Matthieu Rosemain, Jean-Michel Bélot, édité par Sophie Louet)