Emmanuel Macron réélu président de la République française
Emmanuel Macron a été réélu ce dimanche président de la République française avec 58,2 % des voix. Le président sortant devance la candidate du Rassemblement national, Marine Le Pen, qui obtiendrait 41,8 % des voix, d’après les estimations d’Ipsos-Sopra Steria pour France Télévisions, Radio France, France24-RFI-MCD.
Emmanuel Macron a été nettement réélu dimanche président de la République française, même si son score face à Marine Le Pen est plus serré qu’en 2017 et si tous les regards se tournent désormais vers les élections législatives du mois de juin.
Selon les estimations des principaux instituts de sondage, le chef de l’Etat sortant a obtenu environ 58% des suffrages exprimés, contre 42% à la candidate du Rassemblement national.
L’annonce de la victoire d’Emmanuel Macron, la première pour un président en exercice depuis le début de la Ve République, hors période de cohabitation, a été accueillie par une marée de drapeaux français et européens brandis par ses partisans réunis au pied de la Tour Eiffel.
« On a gagné! », ont scandé les supporters d’Emmanuel Macron sur l’esplanade du Champs-de-Mars, avant d’entonner une Marseillaise.
De nombreux membres du gouvernement étaient présents, ainsi que l’ancien Premier ministre Edouard Philippe, pour écouter le discours de victoire du président de la République attendu à la tombée de la nuit.
« Il faut envisager évidemment cette victoire comme une victoire qui nous oblige dans le domaine de l’Europe, dans le domaine de l’écologie, dans le domaine de l’éducation, dans le domaine social », a déclaré le ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti.
Au même moment, les partisans de Marine Le Pen, rassemblés au Pavillon d’Armenonville, un ancien relais de chasse situé à la lisière du Bois de Boulogne, dans l’Ouest parisien, cachaient mal leur déception.
« Evidemment, je suis triste, comme tous les militants ce soir, je suis aussi choqué de voir qu’une majorité de Français souhaite réélire un président qui les a méprisés pendant cinq ans », a déclaré à Reuters Adrien Caligiuri, un gestionnaire de projet de 27 ans qui soutient la candidate du RN depuis 2010.
Marine Le Pen a rapidement pris la parole pour reconnaître sa défaite, estimant cependant que son score, « historique » pour son parti, « représente en lui-même une éclatante victoire » et se disant prête à continuer à se battre pour la « France des oubliés ».
« Les idées que nous représentons arrivent à des sommets », a-t-elle lancé, engageant la « grande bataille » des législatives alors que les Français ont manifesté selon elle la volonté d’avoir « un contre-pouvoir fort à celui d’Emmanuel Macron ».
« RASSEMBLER LE PAYS »
Bien que confortable, la victoire d’Emmanuel Macron est moins large qu’il y a cinq ans, quand il avait obtenu 66,1% des voix, contre 33,9% à Marine Le Pen.
« Il va falloir continuer à travailler, rassembler le pays », a dit le secrétaire d’Etat aux Affaires européennes Clément Beaune sur France 2, soulignant la progression de l’extrême droite.
Ce score sanctionne un quinquennat marqué par une succession de crises sociales (mouvement des « gilets jaunes », opposition à la réforme des retraites), sanitaire (pandémie de COVID-19) et sécuritaires (attentats islamistes et guerre en Ukraine), qui laisse une France profondément divisée.
« Il n’y a jamais eu un tel vote de désespérance en France », a estimé Christian Jacob, président du parti Les Républicains(LR, droite), dont la candidate Valérie Pécresse avait été sévèrement battue au premier tour. « Ce n’est pas un vote d’adhésion » en faveur d’Emmanuel Macron, a renchéri une autre figure de LR, Rachida Dati.
Le parti des anciens présidents Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy va devoir résister aux sirènes du ralliement à Emmanuel Macron comme à celles de l’union des droites proposée dimanche soir par Marine Le Pen et surtout par Eric Zemmour, l’ancien candidat de « Reconquête! ».
« La première coalition des droites et des patriotes pour que les élus de ‘Reconquête!, du Rassemblement national, de ‘Debout la France’ et ceux des républicains qui ne veulent pas se rallier à Emmanuel Macron est une chance de peser, voire de dominer dans la prochaine assemblée », a estimé Eric Zemmour.
A l’autre bout de l’échiquier politique, Jean-Luc Mélenchon, troisième du premier tour avec près de 22% des voix, a appelé ses partisans à ne pas se résigner en vue des législatives, tout en jugeant que la défaite de Marine Le Pen est « une très bonne nouvelle » pour l’unité du pays.
Le taux d’abstention s’est élevé à 28%, selon les instituts, soit le plus haut niveau pour un second tour depuis l’élection de 1969 qui avait vu la victoire du gaulliste Georges Pompidou face au centriste Alain Poher.
« RÉFÉRENDUM » PRÉSIDENTIEL
Pour cette réédition de la « finale » de 2017, qui avait tourné à la déroute pour la candidate du RN, notamment lors du débat télévisé d’entre-deux-tours, Marine Le Pen a proposé une tout autre opposition à Emmanuel Macron.
Au fil d’une campagne au long cours, contrairement à celle du chef de l’Etat qui n’a vraiment démarré qu’au soir du premier tour, elle s’est forgé une image moins clivante, affaiblissant le « front républicain » qui a toujours barré la route à l’extrême droite, tout en trouvant dans la question du pouvoir d’achat, menacé par la forte inflation, un angle d’attaque efficace.
Conscient du rejet qu’il suscite chez certains Français, et d’un potentiel de report de voix après le premier tour qui ne lui était pas forcément favorable, Emmanuel Macron s’est employé à se présenter ces deux dernières semaines en président qui « écoute » et qui « protège ».
Mais ni sa politique de « quoi qu’il en coûte » en réponse à la crise sanitaire, ni le début de revalorisation de certains salaires, notamment pour les professionnels de santé, ni la baisse des impôts ou du chômage qu’il a tenté de mettre en avant, n’ont suscité le même enthousiasme que ses grandes promesses de changement en 2017.
Arrivé en tête du premier tour avec 27,85% des voix (4,7 points de plus que Marine Le Pen), Emmanuel Macron a néanmoins réussi à conserver l’avantage lors de ce scrutin qui a pris au fil des jours des allures de « référendum » sur, ou plutôt contre la personnalité des deux finalistes.
Handicapé par son image, son bilan dans certains domaines, comme la sécurité, et un programme dont les Français ont surtout retenu le projet de report de l’âge de départ à la retraite à 65 ans, le président sortant s’est employé à « rediaboliser » la candidate d’extrême droite.
Il a brandi la menace d’une soumission de la France à la Russie, en raison des liens entre la candidate du RN et Vladimir Poutine et de sa volonté de se mettre en retrait de l’Otan pour se rapprocher de Moscou, d’un « Frexit » déguisé du fait de sa volonté de transformer l’Union européenne en « Europe des nations », voire d’une « guerre civile » en raison de sa volonté d’interdire le port du foulard islamique dans l’espace public.
A ces attaques, Marine Le Pen a répondu dans les derniers jours de campagne par une charge tout aussi virulente contre l' »arrogance » dont aurait fait preuve le président-candidat pendant leur seul débat télévisé, reflet selon elle du « mépris » qu’il a manifesté pendant cinq ans pour « le peuple », des « gilets jaunes » aux opposants au « pass vaccinal », des Français les plus modestes aux habitants des campagnes.
(avec les contributions de Myriam Rivet, Matthieu Protard, Mimosa Spencer, Laily Foroudi, Juliette Jabkhiro, Matthieu Rosemain, Jean-Michel Bélot, édité par Sophie Louet)