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« La spiritualité fait partie de l’ADN du soin »

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Pendant la pandémie, le personnel soignant était sur tous les fronts, sans déserter le terrain de la spiritualité. Il en témoigne dans un livre codirigé par Cosette Odier, théologienne et responsable de la commission de formation du Réseau santé, soins et spiritualités en francophonie. Interview.
Entre deux vagues de pandémie, soignants et chercheurs ont couché leurs expériences et réflexions pour le livre «Soin et spiritualité en temps de pandémie». De Suisse, France, Belgique et Canada, tous rendent compte de la centralité du soin spirituel dans la prise en charge des patients, un besoin exacerbé par le contexte sanitaire. L’ouvrage est codirigé par Cosette Odier, responsable de la formation du Réseau santé, soins et spiritualités (RESSPIR), qui œuvre pour l’intégration de la dimension spirituelle dans les milieux de santé. Pendant plus de trente ans, elle a été active comme aumônière et formatrice au Québec, aux HUG et au CHUV. Interview.

La dimension spirituelle du soin a été omniprésente dans le travail des soignants depuis un an. Est-ce lié à la pandémie?

La spiritualité fait partie de l’ADN du soin. La pandémie a donc été un révélateur d’une réalité préexistante. Se tourner vers l’autre, prendre soin des plus fragiles, tenir compte de l’avis du patient, ne pas en faire une chose, mais le respecter en tant que personne unique sont autant d’éléments qui font partie de l’idéal du soin.

En quoi cet idéal a-t-il été mis à mal par le contexte sanitaire?

Lorsque vous êtes privé d’une chose, vous prenez conscience de son importance. Au début de la pandémie, les soignants ont manqué de moyens de protection. Avec le risque élevé de contagion, impossible de rester trop longtemps au chevet des personnes atteintes du Covid. Impossible aussi de se rendre comme d’habitude auprès de tous les autres patients. L’accompagnement des personnes en train de mourir du virus et la préparation des corps après le décès ont également été perturbés.

De quelle manière?

La réalité était parfois telle que le bruit du zip des housses dans lesquels les corps étaient glissés est devenu insoutenable, rapportent par exemple des soignants en EMS. De plus, ils ont dû se substituer aux proches absents des malades, tout en prenant soin, à distance, des proches eux-mêmes. Ils ont non seulement assuré un lien, mais ils l’ont humanisé.

« Les soignants ont dû se substituer aux proches absents des malades. »
COSETTE ODIER

L’intégration de la dimension spirituelle dans la prise en charge de santé ou «spiritual care» n’est donc pas l’apanage des accompagnants spirituels et aumôniers?

Le soin spirituel est l’affaire de tous. Cet élan qui nous pousse vers l’autre est au cœur des grandes traditions religieuses comme des spiritualités sécularisées. La différence réside souvent dans la verbalisation de cet élan. Les soignants nous parlent de solidarité, d’humanité, de narrativité et parfois, ne parviennent même pas à mettre des mots dessus. On a tendance à penser, faussement, que le «spiritual care» se limite aux soins palliatifs et donc à l’accompagnement de fin de vie.

Cette idée reçue porte-t-elle à conséquences?

Les soignants n’ont donc pas toujours le réflexe de faire appel aux accompagnants spirituels ou aumôniers. La pandémie a permis une prise de conscience au sein même des institutions: le travail spirituel est nécessaire dans toutes les situations, c’est ce qu’écrit, par exemple, la directrice des soins du CHUV dans le livre.

En quoi ce travail est-il nécessaire?

Lors d’une hospitalisation, même brève, des remises en question ont lieu chez les patients. Y être attentif permet tant au patient de se sentir entendu et en confiance qu’au soignant de récolter des informations nécessaires pour la prise en charge globale de santé et les choix thérapeutiques. La transmission de ce type d’informations doit encore être améliorée, de même que l’identification des besoins spirituels.

Comment être plus efficace?

Il s’agit de mettre en place des outils de savoir-être pour permettre au patient d’être assez à l’aise et de se confier. Être à l’écoute des valeurs, des questions de sens et des besoins spirituels devrait aussi faire l’objet d’une anamnèse de la part du soignant. Les aumôniers et accompagnants spirituels doivent rappeler l’importance de cette dimension et créer des alliances avec le personnel soignant. N’oublions pas que les questions de sens, le patient les aborde souvent en premier lieu avec le personnel infirmier.

Quelle est la responsabilité des institutions de santé à ce sujet?

Elles reconnaissent toutes l’importance de cette dimension du soin, mais la mise en œuvre est variable. Elle dépend des services et de leurs impératifs, mais aussi du pays. En France, par exemple, il est très compliqué de parler de spiritualité dans un contexte de laïcité et les aumôniers vont voir leurs «ouailles».

Mais globalement, les choses avancent. Lorsque j’ai commencé à travailler dans les années 1970, seule la dimension religieuse était prise en compte et elle était déléguée aux Églises et communautés religieuses. Aujourd’hui, la Faculté de médecine de Lausanne a un département de sciences humaines qui propose notamment une sensibilisation à la spiritualité dans les soins. Mais il reste important que l’institution ait une ligne budgétaire pour la question de l’accompagnement spirituel.

Pour quelles raisons?

Pour que ce travail ne reste pas invisible. Au Canada par exemple, les accompagnants spirituels font partie du personnel. Pendant la pandémie, ils n’ont donc jamais quitté les patients. Au CHUV, avec l’état d’urgence, deux aumôniers ont assuré un service de garde, les autres ont été priés de rester à la maison. Face à la demande, ils sont revenus deux semaines plus tard. Mais dans certains lieux, le retour ne s’est fait qu’en juin.

Quelle est aujourd’hui la priorité?

Depuis le début de la pandémie, la parole a surtout été donnée à ceux qui guérissent et moins à ceux qui prennent soin. Or, sur le front spirituel, les soignants sont en première ligne. Aujourd’hui, leur travail est devenu visible du grand public. Nous ne pourrons plus l’ignorer. Il y a un enjeu politique de reconnaissance de ce travail. Les soignants n’ont pas seulement fait leur travail, ils en ont fait plus, et n’ont pas quitté leur lieu de travail jusqu’à être considérés comme des pestiférés dans leurs immeubles et quartiers. Pourtant, ils le disent eux-mêmes: ils ne pouvaient pas abandonner les patients. C’était leur travail et leur engagement. Notre société a besoin de cet élan viscéral de générosité.

"Sur les traces des dernières guerres de Religion", tel est le thème d'un colloque de trois jours pour tout comprendre sur la guerre des religions à La Rochelle.

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