Destructions massives dans le nord de Gaza, HRW dénonce un « nettoyage ethnique »
LE CAIRE (Reuters) – Des Palestiniens chassés du nord de la bande de Gaza par l’offensive israélienne des dernières semaines font état de destructions massives dans leurs localités d’origine.
Dans un rapport publié jeudi, l’organisation de défense des droits humains Human Rights Watch dénonce quant à elle le déplacement forcé, « généralisé » et « systématique », des Palestiniens de l’enclave par Israël.
Contacté par Reuters via internet, Abou Raed, 75 ans, ancien travailleur du bâtiment, a dû quitter le camp de réfugiés de Djabalia, cible avec les villes de Beit Lahiya et Beit Hanoun de l’offensive lancée le mois dernier par l’armée israélienne.
Il déclare que les forces israéliennes détruisent à distance des bâtiments, piégés au préalable ou à l’aide de robots.
« Les destructions étaient grandes avant le 5 octobre 2024 mais on ne peut pas décrire avec des mots ce qu’il se produit depuis un mois. La majeure partie du camp a cette fois été détruite », dit-il.
« J’ai des amis et des proches à Beit Hanoun, il y a à peine un bâtiment encore debout là-bas. A Beit Lahiya aussi. Au moins la moitié des bâtiments et des rues de Djabalia, de Beit Lahiya et de Beit Hanoun sont en ruines aujourd’hui. »
Des vidéos diffusées par des personnes fuyant ces localités montrent de nombreux immeubles détruits mais l’étendue des dommages est difficile à mesurer, la zone étant interdite d’accès aux journalistes indépendants.
Selon Hussam Abou Safiya, directeur de l’Hôpital Kamal Adwan près de Beit Lahiya, il n’y a plus aucune ambulance dans le nord de la bande de Gaza.
« J’ai reçu de multiples appels de détresse de gens coincés sous les décombres de leurs domiciles mais il n’y avait rien que je puisse faire pour eux, c’est un crève-coeur », déclare-t-il. « Le lendemain, leurs voix s’étaient éteintes (…) leurs maisons étaient devenues leurs cimetières. La scène se répète tous les jours. »
« DÉSESPÉRÉS, AFFAMÉS, ASSIÉGÉS »
Dans son rapport, Human Rights Watch sonne l’alarme, après beaucoup d’autres ONG, sur la crise humanitaire en cours qui frappe des Palestiniens « désespérés, affamés et assiégés » et accuse les autorités israéliennes d’avoir « provoqué le déplacement forcé massif et délibéré de civils palestiniens à Gaza, ce qui les rend responsables de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité ».
Ces déplacements forcés « sont probablement planifiés pour être permanents dans les zones tampons et les couloirs de sécurité. De telles actions de la part des autorités israéliennes constituent une forme de nettoyage ethnique », estime HRW.
L’armée israélienne dément chercher à créer des zones tampon permanentes et le ministre israélien des Affaires étrangères, Gideon Saar, a déclaré lundi que les Palestiniens déplacés pourraient regagner leurs domiciles à la fin de la guerre.
Une affirmation accueillie avec scepticisme par Abdel-Hadi, un habitant de Beit Lahiya qui s’est réfugié dans la ville de Gaza. « Ils ont incendié les écoles et d’autres abris où les gens avaient trouvé refuge avant d’ordonner aux familles d’aller au sud vers Gaza. Comment appelle-t-on cela sinon du nettoyage ethnique ? » accuse-t-il.
« Beaucoup de familles qui ne voulaient pas partir ont été forcées de le faire quand elles se sont retrouvées à court d’eau et de nourriture », ajoute-t-il. « De vastes zones sont devenues vides, sous le contrôle de l’occupation. Ces quartiers sont devenus inaccessibles. »
Djabalia, Beit Lahiya et Beit Hanoun comptaient environ 400.000 habitants avant le début de la guerre le 7 octobre 2023. Au moins la moitié d’entre eux étaient encore là avant le déclenchement de l’offensive du mois dernier. Selon les secours palestiniens, les habitants ne seraient plus aujourd’hui que 80.000 environ.
La guerre de Gaza, déclenchée par les attaques de commandos du Hamas dans le sud d’Israël, qui ont fait 1.200 morts selon les autorités israéliennes, a coûté la vie à 43.736 Palestiniens selon le dernier bilan du ministère palestinien de la Santé.
(Jean-Stéphane Brosse pour la version française, édité par Blandine Hénault)
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