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Chez les égoutiers de Paris, le report de l’âge de départ à la retraite ne passe pas

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PARIS (Reuters) – Guillaume Konrad, 38 ans, est responsable de la permanence des égouts de Paris et à ce titre intervient à tout moment pour désengorger le vaste réseau d’égouts de la capitale.

Il est fier d’offrir un service public aux Parisiens et de travailler dans un corps de métier historique qui oeuvre pour la préservation d’un réseau vieux de plusieurs siècles.

Pour autant, il ne se verrait pas arpenter les tunnels dans le noir, au milieu des rats et des cafards, à marcher sur des matières fécales, jusqu’à ses 64 ans, comme le lui imposerait la réforme des retraites, si elle était adoptée.

« Dans les conditions actuelles, c’est un peu compliqué, on ne va pas se mentir. C’est un réseau considéré comme vraiment insalubre où on est en contact avec énormément de choses. Et moi je mets en danger ma santé », dit-il à Reuters.

Elisabeth Borne a présenté mardi une réforme du régime des retraites dont la mesure phare est de reculer l’âge de départ de deux ans pour tous les Français.

A ce report, s’ajoute une accélération de la mise en oeuvre de la loi dite « Touraine » qui allonge la durée de cotisation requise pour toucher une retraite à taux plein.

Certains égoutiers peuvent prétendre actuellement à une retraite à 52 ans, s’ils ont passé 12 ans sous terre dont six ans consécutifs, soit dix ans avant l’âge légal. Et pour obtenir une pension à taux plein, ils doivent avoir cotisé 32 annuités, explique Frédéric Aubisse représentant syndical CGT. Avec la réforme, l’âge de départ sera porté à 54 ans et la durée de cotisation requise allongée.

Guillaume Konrad, lui, n’a pas droit à ce statut, car il ne passe pas suffisamment d’heures sous terre, même s’il descend trois à quatre fois par semaine. Il ne pourra donc réclamer sa retraite qu’à partir de 64 ans et non plus 62, tout comme les autres égoutiers employés par des entreprises privées.

RISQUES TOXIQUES

Les syndicats ont unanimement décrié cette réforme qu’ils jugent beaucoup trop brutale et non justifiée financièrement. Ils ont déjà appelé à une vaste mobilisation le 19 janvier.

Les égoutiers de Paris feront parti du cortège.

La permanence du service d’assainissement de la capitale intervient 24h sur 24, tous les jours de l’année, que ce soit pour un engorgement du réseau, une vérification des installations ou encore des pertes de clés ou de titres de transports dans les égouts, explique Guillaume Konrad.

Ils décrochent à coup de pelles les graisses de cuisine accumulées sur les parois, retirent les lingettes qui peuvent boucher les évacuations, ratissent les collecteurs pour éviter les ensablements, peuvent patauger jusqu’à la taille pour pousser des wagons remplis de déchets.

Aux difficultés physiques, s’ajoutent les risques sanitaires. On peut trouver sous terre de l’hydrogène sulfuré (H2S), un gaz issu de la décomposition des matières fécales, qui, en très grande concentration, peut s’avérer mortel.

Les agents peuvent également être exposés à des particules d’amiante qui proviennent des revêtements appliqués sur certaines canalisations pour éviter la corrosion.

« On peut considérer que c’est l’un des métiers les plus dangereux qui existent », dit le responsable de la permanence.

SURMORTALITE CHEZ LES EGOUTIERS

Tous les professionnels parisiens disposent aujourd’hui d’appareils pour détecter les gaz et portent des masques pour filtrer les particules d’air. Mais ces masques ne sont devenus obligatoires qu’il y a quelques années.

Une étude de l’INRS publiée en 2009 qui s’est penchée sur la mortalité des égoutiers de la Ville de Paris actifs entre 1970 et 1999, a mis en lumière une surmortalité de 56% de ces derniers par rapport à la population de Seine-Saint-Denis, notamment par maladies digestives et par cancer.

« Sur dix égoutiers qui partent à la retraite à 52 ans, la moitié décède avant d’avoir atteint 62 ans », dit à Reuters Frédéric Aubisse, secrétaire général adjoint du syndicat CGT-FTDNEEA, la section CGT qui représente la profession.

Stéphane Rouanoux, 53 ans, un ancien militaire qui a rejoint le service de la Ville de Paris à 28 ans, se rappelle de collègues qu’il a perdu « dans la fleur de l’âge ». Lui-même s’interroge sur l’impact du métier sur sa propre santé, alors qu’il a passé près de 20 ans sous terre sans porter de masque.

Pour l’instant, il est en bonne santé, dit-il et s’efforce de faire beaucoup de sport, en attendant de pouvoir prendre sa retraite à taux plein entre 57 et 60 ans. Mais il a du mal dans les conditions actuelles à s’imaginer travailler plus longtemps.

« Je pense que le gouvernement prend à la légère ce qui peut se passer sur les métiers physiques. On ne peut pas se mettre à notre place, il faut le vivre, passer plusieurs semaines quelques mois en notre compagnie (…) avant de pondre des lois comme celle-là », ajoute-t-il.

Les services de Matignon disent mesurer l’impact des allongements de carrière dans les métiers pénibles et exposés à des risques, mais mettent de l’avant les améliorations apportées aux régimes des retraites qui permettront de faciliter les reconversions ou encore d’encourager la prévention.

(Reportage Caroline Pailliez, édité par Blandine Hénault)

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