Les Églises appellent à la fin du massacre des alaouites de Syrie
Dans une déclaration commune, les patriarches des trois plus grandes Églises de Syrie ont condamné les « massacres visant des civils innocents » en appelant à « la fin immédiate de ces actes horribles, qui sont en totale opposition avec toutes les valeurs humaines et morales ».
Depuis trois jours, des combattants progouvernementaux prennent pour cible et tuent des civils musulmans alaouites dans la région côtière de la Syrie. La communauté internationale doit demander des comptes au nouveau gouvernement syrien.
Au cours des trois derniers jours, les pires craintes des groupes religieux minoritaires de Syrie se sont réalisées. Dans la région côtière, des combattants fidèles au nouveau gouvernement dirigé par Ahmed al-Shara’a, chef du groupe djihadiste Hay’at Tahrir al-Cham (HTS), ont massacré des civils musulmans alaouites et pillé leurs maisons. Des centaines, voire des milliers de civils ont été tués. Dans la soirée du 9 mars 2025, les massacres se poursuivaient.
Christian Solidarity International (CSI) est en contact avec ses partenaires sur le terrain dans les gouvernorats de Lattaquié et de Tartous, où les massacres ont eu lieu, et prépare une réponse d’aide humanitaire.
CSI appelle la communauté internationale, en particulier les États-Unis et la Russie, à exiger des comptes du nouveau gouvernement syrien et à maintenir des sanctions individuelles contre les dirigeants du gouvernement jusqu’à ce que ces comptes soient rendus. (CSI plaide depuis longtemps pour la levée des sanctions économiques générales contre la Syrie, qui nuisent à l’ensemble de la population.)
Les mosquées appellent au djihad
En décembre 2024, le régime d’al-Assad, dictature brutale mais laïque qui dirigeait la Syrie depuis plus de cinquante ans, a été renversé par une coalition de rebelles musulmans sunnites dirigée par le groupe djihadiste HTS, ancien affilié d’Al-Qaïda en Syrie.
Les chrétiens, alaouites, druzes, ismaéliens et autres minorités religieuses de Syrie, qui représentent environ 25 % de la population, craignaient depuis longtemps une victoire des djihadistes sunnites dans la guerre civile syrienne, de peur d’être persécutés. (L’ancien président syrien, Bachar al-Assad, était lui-même musulman alaouite.) Pendant la longue guerre civile, les groupes djihadistes ont souvent attaqué les minorités religieuses.
Mais le nouveau gouvernement syrien d’Ahmed al-Shara’a a promis que les minorités religieuses seraient en sécurité et égales dans la « nouvelle Syrie ». Pendant les trois premiers mois qui ont suivi la chute d’al-Assad, cette promesse a été largement tenue.
Ces dernières semaines, cependant, il y a eu un certain nombre d’affrontements dans la région côtière entre les forces de sécurité du nouveau gouvernement et les forces encore fidèles au régime d’al-Assad.
Le 6 mars 2025, ces affrontements ont atteint leur paroxysme. Le gouvernement a appelé à la mobilisation de volontaires et les mosquées des villes de Syrie ont appelé à un djihad dans la région côtière. Le 7 mars, les massacres ont commencé.
Une question fatale : « Quelle est votre confession ? »
Pendant trois jours, dans les gouvernorats de Lattaquié et de Tartous, des combattants armés ont attaqué des villages alaouites, rassemblant et exécutant des hommes, et parfois des femmes et des enfants. Dans le village de Tuwaym (gouvernorat de Hama), trente et une personnes ont été enterrées dans une fosse commune le 8 mars, dont neuf enfants et quatre femmes.
Dans les grandes villes comme Banias, où cohabitent sunnites, chrétiens et alaouites, de nombreux témoignages indiquent que des combattants progouvernementaux sont entrés dans des immeubles d’habitation et ont fait du porte-à-porte, demandant aux personnes qui y vivaient : « Quelle est votre confession ? Quelle est votre religion ? » Des hommes alaouites, et parfois des familles entières, ont été tués.
Parmi les morts figurent une mère et deux frères de la famille Sadeq, bien connus à Banias pour leur opposition au régime d’al-Assad.
Un alaouite de la ville de Jablé a déclaré à Georges Malbrunot, journaliste au Figaro, que la vie de sa famille avait été sauvée par ses voisins sunnites. Lorsque les combattants armés sont arrivés dans leur immeuble, leurs voisins leur ont menti en leur disant qu’ils étaient tous sunnites.
Des dizaines de vidéos inquiétantes filmées par des combattants progouvernementaux et diffusées sur les réseaux sociaux montrent les combattants en train d’exécuter des alaouites en masse… dans un cas, ils leur ordonnent de ramper et de hurler comme des chiens avant d’être tués !
« La Syrie sera sunnite »
Le nombre de morts est estimé entre plus de sept cents et plusieurs milliers. Le 8 mars, un journaliste a partagé une liste de sept cent dix-sept civils alaouites tués au cours des deux jours précédents.
L’une des personnes apparemment impliquées dans les attaques est un commandant nommé Abu Amsha, un dirigeant de l’Armée nationale syrienne (ANS), un groupe rebelle créé et financé par la Turquie. Abu Amsha a récemment été nommé commandant dans la nouvelle armée syrienne.
Dans le discours qu’il a adressé à ses hommes avant leur attaque sur la côte, il a déclaré : « La Syrie sera sunnite ou nous la brûlerons. »
La grande majorité des civils assassinés sont alaouites. Cependant, certains chrétiens ont également été tués, notamment Antoine et Fadi Boutros, un père et son fils arméniens qui ont été abattus dans la ville de Lattaquié. Adnan Hassan, un alaouite qui a longtemps vécu en exil en France en raison de son opposition au régime d’al-Assad, a déclaré que le mari de sa nièce avait été abattu dans son immeuble à Banias le 7 mars. Tous les autres hommes alaouites et un chrétien qui vivaient dans l’immeuble ont également été abattus. Seul le musulman sunnite a été épargné.
Dans d’autres cas, des chrétiens ont été épargnés alors que leurs voisins alaouites ont été exécutés.
Les Églises appellent à la fin des massacres
Dans une déclaration commune, les patriarches des trois plus grandes Églises de Syrie ont condamné les « massacres visant des civils innocents » en appelant à « la fin immédiate de ces actes horribles, qui sont en totale opposition avec toutes les valeurs humaines et morales ».
Ils ont également appelé à « la création rapide de conditions propices à la réconciliation nationale entre les Syriens ».
Une faible réponse internationale
Jusqu’à présent, la réponse internationale au massacre a été faible.
Le secrétaire d’État américain, Marco Rubio, a publié une déclaration condamnant « les terroristes islamistes radicaux, y compris les djihadistes étrangers, qui ont assassiné des personnes dans l’ouest de la Syrie ces derniers jours ». Il a poursuivi en déclarant que « les États-Unis soutiennent les minorités religieuses et ethniques de la Syrie, y compris les communautés chrétiennes, druzes, alaouites et kurdes ». Mais il s’est abstenu de critiquer le nouveau gouvernement syrien lui-même.
L’Union européenne, en revanche, a critiqué les « éléments pro-Assad » pour leurs attaques contre les « forces du gouvernement intérimaire » et a condamné, presque après coup, « toutes les violences contre les civils ».
Vendredi, 7 mars, des centaines d’alaouites se sont rassemblés devant une base militaire russe à Lattaquié, demandant à la Russie de les protéger des massacres.
Le président international de CSI, le Dr John Eibner, a déclaré : « Les soutiens occidentaux de la dictature islamiste d’Ahmed al-Shara’a n’ont pas demandé d’enquête internationale sur les massacres, ni condamné le régime coupable. Ils semblent se satisfaire de laisser les auteurs enquêter sur eux-mêmes. »
CSI appelle la communauté internationale à demander des comptes au nouveau gouvernement syrien pour ces massacres. Si des mesures urgentes, telles que des sanctions ciblées, une enquête internationale et une mission de surveillance internationale, ne sont pas prises immédiatement, d’autres massacres de minorités religieuses en Syrie sont à prévoir.
Joel Veldkamp
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