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Les sanctions aggravent le sort des chrétiens de Syrie

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Les sanctions contre la Syrie ont des « répercussions dévastatrices » sur la communauté chrétienne, selon Idriss Jazairy, rapporteur spécial auprès de l’ONU. Il appelle au dialogue sur une réduction des sanctions visant à terme leur suppression totale.

« Le fait que les mesures coercitives unilatérales contribuent à la souffrance continue du peuple syrien me préoccupe vivement », a déclaré hier Idriss Jazairy, rapporteur spécial auprès des Nations Unies, lors d’une conférence de presse à Damas. Du 13 au 17 mai, M. Jazairy a effectué une visite en Syrie afin d’y examiner les effets négatifs des sanctions sur la population civile. Elles sont désastreuses : « Comme elles sont particulièrement étendues, ces mesures ont des répercussions dévastatrices sur l’ensemble de l’économie et sur la vie quotidienne des gens ordinaires. »

Les sanctions exacerbent une situation des chrétiens déjà rendue désastreuse par la guerre.

Les sanctions empêchent la livraison de pièces de rechange vitales

À cause des sanctions, le pays manque de pièces de rechange pour l’équipement médical, l’approvisionnement en électricité et en eau, les tracteurs, les ambulances, les bus et les usines, a indiqué Idriss Jazairy. « Ironiquement, ces mesures prises par des États préoccupés par les droits de l’homme ont involontairement contribué à exacerber la crise humanitaire. » Voici ce que réclame le rapporteur spécial de l’ONU : « Un dialogue sérieux sur la réduction des mesures coercitives unilatérales […] visant à terme leur suppression doit avoir lieu. »

Nous souffrons de l’embargo et des sanctions, Dr. Nabil Antaki, gastro-entérologue à Alep.

Le Conseil fédéral ne veut pas examiner les répercussions des sanctions sur la population civile

Le gouvernement suisse reconnaît certes que les sanctions ont des « conséquences négatives » (courrier du conseiller fédéral Johann Schneider-Ammann à la Solidarité Chrétienne Internationale du 31 janvier 2017). Il ne manifeste cependant guère d’efforts pour réduire les sanctions comme le recommande Idriss Jazairy. Le 9 mai 2018, le Conseil fédéral a rejeté un postulat qui le chargeait d’examiner si la population civile était protégée des dommages collatéraux des sanctions. La Suisse « se mobilise depuis des années […] en faveur d’une aide humanitaire efficace », explique le Conseil fédéral dans sa réponse, ajoutant que l’administration fédérale se penche « depuis longtemps sur les conséquences des sanctions internationales sur l’aide humanitaire. »

En raison des sanctions, l‘équipement médical de base fait défaut. Ici une clinique rénale du patriarcat syriaque orthodoxe à Damas lors de son inauguration par le Patriarche Ignace Aphrem II.

La Suisse craint un conflit avec les États-Unis

« Le problème est à Washington, pas à Berne. Nous non plus, nous n’aimons pas les sanctions », a confié un haut fonctionnaire à la Solidarité Chrétienne Internationale. Le Conseil fédéral craindrait que les États-Unis infligent des mesures punitives (sanctions secondaires) pour violation des sanctions. La Suisse s’est ralliée en 2011 aux sanctions draconiennes de l’UE, qui avait pour sa part emboîté le pas aux États-Unis.

Idriss Jazairy, rapporteur spécial de l’ONU sur les effets négatifs des mesures coercitives unilatérales sur l’exercice des droits de l’homme. Ici lors d’une conférence de l’ONU à Genève.

Les sanctions contre la Syrie sont contraires au droit international

« Ces sanctions enfreignent le droit humanitaire international », déclare John Eibner de la Solidarité Chrétienne Internationale. Il se rend régulièrement en Syrie et y voit les conséquences des sanctions : « Elles ont l’effet d’une peine collective contre la population syrienne, ce que la Convention de Genève interdit (art. 33, Convention de Genève IV). »

Enfants déplacés à Tartous sur la côte méditerranéenne. Tartous a été largement épargnée par la violence mais les sanctions y ont néanmoins des conséquences dramatiques.

Le 23 août 2016, des responsables religieux de Damas avaient adressé un appel humanitaire à la communauté internationale : « Mettez un terme au siège du peuple syrien ! Levez les sanctions internationales contre la Syrie et permettez à ce peuple d’exister dans la dignité ! » Les patriarches Jean X (Église grecque orthodoxe), Ignace Aphrem II (Église syriaque orthodoxe) et Grégoire III (Église catholique melkite) avaient tous trois signé cet appel.

Rejet de la demande d’examen des sanctions au Conseil national

Le postulat 18.3309 « Sanctions ciblées contre les auteurs de crimes de guerre en Syrie » rejeté par le Conseil fédéral avait été déposé le 16 mars 2018 par le conseiller national socialiste Mathias Reynard et cosigné par 14 membres du Conseil national, dont Lukas Reimann (UDC), Doris Fiala (PLR) et Marianne Streiff-Feller (PEV).

Mathias Reynard (PS) : « La réponse du Conseil fédéral est très décevante. Le gouvernement suisse devrait davantage s’inquiéter des conséquences de nos sanctions sur la population des pays concernés. Espérons que le Parlement soutiendra ma proposition, co-signée par des élus de plusieurs partis. »

Doris Fiala (PLR) : « Si la population civile souffre des sanctions contre la Syrie, alors la politique en matière de sanctions doit être sérieusement et entièrement remise en question ! »

Lukas Reimann (UDC) : « Le Conseil fédéral recule devant une tâche difficile mais essentielle. La décision d’imposer des sanctions devrait prendre en compte l’impact possible de celles-ci sur la population civile, ainsi que sur la neutralité, les bons offices et la diplomatie de paix de la Suisse. »

Marianne Streiff-Feller (PEV): « En tant qu’État dépositaire de la Convention de Genève, la Suisse a une responsabilité humanitaire particulière et doit absolument s’assurer que les sanctions internationales contre la Syrie n’atteignent pas les mauvaises personnes. »

Informations complémentaires et photos

Idriss Jazairy a été nommé en mai 2015 « rapporteur spécial de l’ONU sur les effets négatifs des mesures coercitives unilatérales sur l’exercice des droits de l’homme ». Il examine les sanctions imposées sans mandat du Conseil de sécurité de l’ONU, comme c’est le cas en Syrie.

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