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A Berne, les chrétiens réformés reprennent un chant hébraïque

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Alors que la guerre à Gaza fait rage, les Eglises réformées jouent les équilibristes dans leurs prises de position officielles. Dans ce contexte, entonner un chant en hébreu interpelle. Interview.

«Shalom chaverim», chanson folklorique traditionnelle hébraïque, a été entonnée mardi dernier au Rathaus de Berne. Il s’y tenait, jusqu’au lendemain, le Synode d’été des Eglises réformées Berne-Jura-Soleure (RefBejuso). Un choix musical qui peut poser question, dans le contexte actuel de la guerre au Proche-Orient. L’occasion d’interpeller la pasteure bernoise Judith Pörksen Roder, présidente de RefBejuso, sur le positionnement de son Eglise à l’égard du conflit. Interview.

Pourquoi avoir choisi ce chant?

La responsable du choix des cantiques pour les Synodes a choisi, parmi d’autres cantiques, cette chanson chantée en hébreu. La chanson «Shalom chaverim» fait partie de l’héritage judéo-chrétien de notre Eglise réformée et se trouve d’ailleurs dans notre psautier. Ce chant est pour l’Église un appel à la paix, et il se prêtait bien parce qu’il est court et peut être chanté en canon. Il ne s’agit donc absolument pas d’une prise de position politique de notre Église en faveur d’Israël.

Quel était le message que votre Église souhaitait adresser par ce biais ?

Si on veut parler d’un message, il s’agit d’un message de paix. Shalom est une salutation hébraïque qui signifie «paix». Le mot arabe «Salaam» a d’ailleurs la même racine.

Dans le contexte actuel de la guerre au Proche-Orient, ce choix vous semble-t-il pertinent ou plutôt maladroit?

Nous considérons que ce choix n’est ni pertinent ni maladroit, puisqu’avec ce chant, nous n’avons pris position ni pour Israël ni pour le Hamas ou la Palestine.

Comprenez-vous que sa portée symbolique, en cette période, puisse heurter certaines sensibilités?

Dans le contexte de la guerre au Proche-Orient, les discussions sont très chargées émotionnellement, et nous comprenons que l’utilisation d’éléments culturels hébraïques ou liés à la Palestine puissent heurter certaines sensibilités. En même temps, notre Église ne peut pas renier son héritage et ses traditions culturelles, qui ne sont d’ailleurs pas liés aux choix militaires de l’actuel gouvernement israélien.

Justement, actuellement, il est parfois reproché aux Églises de ne pas condamner Israël, mais de se manifester quand une personne de la communauté juive est attaquée…

Ce reproche ne s’applique pas aux Églises RefBejuso; en revanche, on nous reproche parfois, à tort, d’être unilatéralement solidaires avec la Palestine. En tant que membre du Forum pour les droits humains en Israël/Palestine, les Églises RefBejuso s’engagent clairement en faveur des droits humains et du droit international, indépendamment de l’agresseur dans la situation spécifique.

Votre Eglise est-elle appelée, en son sein, à s’exprimer davantage sur le conflit?

Cette critique est exprimée dans des cas isolés dans des paroisses lorsque, dans une prédication locale, on appelle à un soutien inconditionnel de la politique israélienne, mais l’Église cantonale n’est pas visée. Les Églises RefBejuso sont en contact permanent depuis plus de quarante ans avec les Églises en Israël/Palestine et avec des personnes qui s’engagent pour une paix juste en Israël Palestine.

En novembre, les Églises d’Orient ont adressé une lettre ouverte à leurs consœurs européennes, les interpellant sur leur «soutien indéfectible à la guerre qu’’Israël mène contre le peuple palestinien». Que répondez-vous à cette accusation?

D’une manière générale, il est compréhensible que les Églises de Cisjordanie et de Gaza «ne se soient jamais senties aussi abandonnées» que maintenant. Or pour ce qui est des Églises RefBejuso, nous sommes en contact permanent avec l’Église évangélique luthérienne de Jordanie et de Terre Sainte ainsi que la militante palestinienne pour la paix Sumaya Farhat-Naser. Nous soutenons également les projets de l’EPER dans la région – actuellement l’aide d’urgence dans la bande de Gaza – ainsi que l’observation des droits humains par le programme d’accompagnement œcuménique en Palestine et en Israël (EAPPI).

Les liens entre les traditions chrétienne et juive, et ceux qu’il existe entre les institutions chrétiennes et juives de Suisse, sont-elles un rempart à une prise de parole plus claire des Églises par rapport à ce conflit ?

Non, dans le contexte de l’Eglise réformée, cela n’est pas un obstacle à une prise de position claire. En revanche, le passé européen nous invite à une grande prudence lorsqu’il s’agit de prises de position publiques: aujourd’hui encore, et en Suisse également, l’antisémitisme peut être très facilement évoqué et utilisé pour manipuler les opinions. L’histoire invite les Églises à la plus grande prudence et à la plus grande différenciation lorsqu’il s’agit de prendre position sur la situation au Proche-Orient. Dans l’opinion publique, on ne fait souvent pas la différence entre la politique israélienne et le judaïsme, ce qui rend inévitables les courts-circuits – christianisme contre judaïsme – dans la compréhension des prises de position des Églises.

Les Eglises réformées, frileuses ou partiales?

En Suisse romande, sur les six Eglises cantonales réformées, seules deux d’entre elles ont communiqué sur le conflit. Dans sa prise de position datant du 12 octobre, l’Eglise évangélique réformée vaudoise (EERV) exprime «sa compassion à l’endroit de la Communauté israélite de Lausanne» et son espoir d’un «retour à la paix». Quelque temps plus tard, lorsqu’une manifestation pro-palestinienne prend pour point de départ l’esplanade de la cathédrale de Lausanne, il est promptement communiqué que «l’Exécutif de l’EERV précise se dissocier clairement de cette manifestation».

De leur côté, les Eglises Berne-Jura-Soleure (réunies en une union synodale), ont communiqué le 7 novembre dernier. Dans un texte intitulé «Guerre en Israël/Palestine: l’hostilité envers les personnes juives en Suisse est inacceptable», elles disent observer «avec une vive inquiétude que des personnes juives se voient de plus en plus souvent contraintes d’éviter l’espace public en raison d’insultes». Ensuite, l’attaque du Hamas est condamnée, et on peut encore lire un appel à «toutes les parties à renoncer à la violence». Mais rien de précis sur le peuple palestinien.

Du côté de l’Eglise évangélique réformée de Suisse, la faîtière a condamné l’attaque du Hamas le 17 octobre et affirmé son «solidarité avec les victimes de la guerre». Dans son communiqué, il est également fait mention des «conditions catastrophiques» dans lesquelles vit la population civile de Gaza, et du soutien financier accordé à l’aide humanitaire fournie sur place par l’Entraide protestante Suisse (EPER).

En Valais, le président des réformés Gilles Cavin s’en remet d’ailleurs à sa faîtière. Même son de cloche à Fribourg, où «une initiative partant du synode aurait pu émerger et demander à ce que l’Eglise se positionne politiquement. Mais il n’y a pas eu d’appel dans ce sens», témoigne le président de l’institution protestante fribourgeoise Pierre-Philippe Blaser.

A Neuchâtel, l’Eglise réformée évangélique de Neuchâtel «n’a pas évoqué cette question», formule Angélique Neukomm, sa responsable de la communication.

Enfin à Genève, la situation est plus complexe. Car si l’Eglise protestante de Genève (EPG) n’a toujours rien communiqué, un groupe de paroissiens a interpellé en janvier l’exécutif de l’EPG, lui demandant de donner de la voix sur le sujet. Mais en accord avec sa «cellule média», l’autorité de l’Eglise s’est «prononcée contre une prise de position officielle de l’Eglise sur le conflit».

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